Le voyage en zeppelin, un rêve increvable (2/2)

Montage Telescope Magazine
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Jonchée d’innombrables accidents mortels, l’histoire du zeppelin au début du XXe siècle semble maudite. Mais en dépit de ce passé tragique, ingénieurs et entrepreneurs relancent à partir des années 1980 le rêve fou du voyage en dirigeable. Bien qu’il soit plus écologique que l’avion à réaction, le zeppelin peine encore à prendre son envol aujourd’hui.

Avec le rôle joué par les bombardiers lors de la Seconde Guerre mondiale, les voyages en dirigeables semblent définitivement condamnés à l’oubli ou la nostalgie d’un rêve inatteignable. Jusqu’à la fin des années 1970, seuls quelques dirigeables développés par l’armée américaine comme stations-radar flottantes prendront les airs. Il faut attendre le choc pétrolier de 1973 et les premières alertes sur la crise climatique pour que le rêve du zeppelin soit ressuscité. Sans que la malédiction ne soit jamais exorcisée.

470 euros

En 1982, le groupe britannique Airship Industries fait partie des premiers à retenter l’aventure du dirigeable. Sur la base de l’aviation britannique à Cardington dans le Bedfordshire, quelques tentatives de vol du SkyShip 500 seront effectuées, sans jamais être couronnées de succès pérenne. Morte et enterrée après le drame de 1937, l’entreprise de Zeppelin revoit le jour sous le nom de Zeppelin Luftschifftechnik en 1993. L’héritière de Ferdinand développe alors le Zeppelin NT qui effectue son premier vol en 1997 et est autorisé à voler en 2001. Avec 14 places à bord, le dirigeable de 75 mètres de long – plus grand qu’un Boeing 747 – se déplace à 125 km/h. Et pour la modique somme de 470 euros, il est toujours possible aujourd’hui de monter à bord pour contempler le lac Constance vu du ciel une heure durant. 

Extrêmement coûteux, moins rapide que la voiture et marqué au fer rouge par une ribambelle d’accidents mortels, le zeppelin ne semble pas avoir grand chose pour lui au XXIe siècle. Mis à part un bilan carbone exceptionnel comparé à nos grands brûleurs de kérosène. Don Hartsell en est persuadé. En 2008, l’entrepreneur américain convainc riens moins que l’Unesco de s’associer à un projet titanesque sorti tout droit de son imagination : une course de zeppelins à travers le globe.

Pendant 180 jours, des dizaines de dirigeables doivent traverser 130 pays, survoler des monuments comme le Colisée, les pyramides de Gizeh ou le Taj Mahal afin de raviver pour de bon la foi dans ce mode de transport du passé. Malgré le soutien d’importantes organisations et de sponsors – dont Jean-Michel Jarre à la direction artistique ou le prince Albert de Monaco -, le projet est repoussé sine die. Encore aujourd’hui, Hartsell tente de lancer la World Sky Race. En vain. 

Clef sous la porte

Si les chats n’ont que neuf vies, le zeppelin semble en avoir à l’infini. En atteste la tentative d’Éric Lopez de lancer une entreprise de zeppelins au-dessus de Paris. À l’été 2013, Airship Paris propose en effet pendant quelques semaines à tous ceux prêts à débourser 650€ de faire un tour de dirigeable au-dessus de la capitale pendant 1h30. Mais la malédiction frappe encore. Trop dépendants des aléas météorologiques, les vols au départ de l’aérodrome de Cormeilles-en-Vexin dans le Val-d’Oise sont trop onéreux et l’entreprise est obligée de mettre la clef sous la porte dès 2014. 

124,5 mètres de long

Dès le début des années 2020, l’hubris du zeppelin repart de plus belle. Entre les projets de dirigeable-cargo de Flying Whales en Gironde ou de Voliris dans l’Allier – qui promettent des modèles de dirigeables devant révolutionner le transport de marchandises – de nouvelles entreprises tentent encore de faire du zeppelin l’avion du futur. Les britanniques de Hybrid Air Vehicles lancent le projet Airlander 10, promettant un modèle fonctionnel en 2025 et 100% électrique en 2030. Pour l’heure, le projet a déjà été repoussé de deux ans, notamment à cause du crash du dirigeable lors d’un test en 2017.

Aux États-Unis, le co-fondateur de Google Sergueï Brin participe au lancement de la société Lighter Than Air (LTA) en 2014 dont le dirigeable nommé Pathfinder 1 vient d’obtenir en novembre 2023 une autorisation de la part des autorités pour faire des vols-tests. Jusqu’à présent, le bébé flottant de 124,5 mètres de long n’a effectué que des décollages tests bien au chaud dans son hangar. Attention à ne pas sortir trop tôt du nid. 

Comme un phénix qui renaît de ses cendres, le rêve du voyage en dirigeable semble immortel. Malgré des dizaines d’accidents, d’incendies et de crashs, malgré des centaines de morts, plusieurs générations d’ingénieurs en aéronautique continuent inlassablement de partir à l’assaut du zeppelin pour conquérir définitivement et durablement les cieux. Mais pour faire Paris-New York en dirigeable depuis Roissy, il faudra attendre encore.