La ville de Vienne a beaucoup à nous apprendre sur sa gestion des inondations

Vienne, Autriche - 15 septembre 2024. Photo Shutterstock.
Vienne, Autriche - 15 septembre 2024. Photo Shutterstock.

Alors que le réchauffement climatique promet des inondations de plus en plus fréquentes et importantes aux quatre coins du monde, une ville européenne semble mieux préparées que les autres. Mi-septembre, la tempête Boris causait au moins vingt-quatre décès en Europe centrale. Également touchée, Vienne sortait du déluge relativement indemne, grâce à un système de gestion des inondations hors-pair.

Aux alentours du 15 septembre, il serait tombé à Vienne entre deux à cinq fois plus de pluie en cinq jours que lors d’un mois de septembre moyen. « Les précipitations en Basse-Autriche, où se trouve Vienne, étaient si intenses et prolongées que le sol était gorgé d’eau, explique, derrière ses lunettes de vue, l’hydrologue Günter Blösch. Comme le sol était humide, peu d’eau pouvait s’y infiltrer. Alors, la majorité de l’eau courait sur la surface, ce qui a ainsi augmenté le niveau des cours d’eau, dont le Danube. Certains de ses affluents ont encore plus débordé. » Pourtant, dans toute cette ville de plus de deux millions d’âmes, seules quinze maisons durent être évacuées. Selon la BBC et Kleine Zeitug, journal régional publié dans le sud du pays de Stefan Zweig, le salut de Vienne serait dû à « l’ingénieux » système de gestion des inondations, en partie développé, justement, par Günter Blösch. 

Les machines du canal de Suez

L’expert raconte que si la région Vienne n’est pas particulièrement pluvieuse, elle est habituée, depuis des siècles, à d’impromptues mais impressionnantes inondations. « La situation de la ville de Vienne est particulière parce que c’est une ville très vieille qui a connu plein de problèmes. Au XIXème, elle a connu une forte croissance et s’est étendue de plus en plus. » Durant cette période clef, les plaines supérieures se sont retrouvées couvertes de maisons. Forcément, l’eau ne pouvait plus s’y écouler. « Alors, lors de fortes pluies, le fleuve est entré en crue et s’en sont suivis d’énormes dégâts. » À cette époque, la municipalité décida donc de « couper la partie sinueuse du Danube » en creusant un canal de deux-cent mètres de large et huit kilomètres de long. « En utilisant les machines qui avaient servies à creuser le canal de Suez, précise Blösch. Le but était d’augmenter la capacité du Danube. Ça a marché à merveille. L’Autriche était alors à l’abri des inondations. Et ce, pendant près d’un siècle… ».

Ceux qui étaient alors déjà vivants se souviennent généralement de l’inondation monstre de 1954 que Blösch impute, elle aussi, à une urbanisation galopante, au béton qui se répand comme une tâche dure et empêche l’eau de pluie de péricliter. À cet événement, la ville répond par un nouveau canal, augmentant la capacité du système anti-inondation viennois de 8000 mètres cubes par seconde à 14 000. « On pense que la dernière crue d’une telle ampleur a eu lieu en août 1501, sourit l’expert. Nous avons beaucoup d’informations sur l’histoire des inondations de la ville ! C’était la plus grande inondation de la deuxième moitié du millénaire. » 

« Si il y a une défaillance sur un mètre, l’opération entière échoue.« 

Mais les infrastructures ne suffisent pas. En 2002, une inondation conséquente trempait suffisamment Vienne pour que citoyens et autorités se convainquent que les défenses de la ville avaient besoin de renforcements. Également directeur du Centre for Water Resource Systems à l’université technique de Vienne, Blösch explique que des digues ont alors été bâties et que le groupe qu’il dirige « a développé un nouveau système régional de prévision des inondations, sur lequel les autorités se basent désormais pour prendre ses grandes décisions : « Quelle partie de la population doit-elle être évacuée ? Quelles digues protéger ? En septembre, nos prévisions étaient, à vrai dire, assez justes. » Des exercices sont également organisés en ville, avec l’aide de pompiers et de bénévoles. « On fait ça très sérieusement, assure l’hydrologue, en effet très sérieusement. Ainsi, en cas de véritable inondation, chacun sait quoi faire. Tout se déroule avec plus de fluidité. »

Durant ces exercices, les Viennois sont notamment chargés de s’entraîner à mettre en œuvre un remède aux inondations qui aurait pu être conçu par un enfant : ériger des murs mobiles aux bords des cours d’eau. « Cela n’a rien de simple, s’offusque l’hydrologue, en écarquillant les yeux. Si il y a une défaillance sur un mètre, l’opération entière échoue. Il faut savoir bien les ériger et bien ranger chaque élément. Si il en manque un, rien ne fonctionne. Si on ne s’entraînait pas à les placer, ces murs mobiles ne servent à rien. » 

Un futur humide

Günter Blösch étudie la question de l’augmentation du nombre d’inondations en Europe « depuis longtemps. » Selon ses recherches, il est clair que la partie européenne au nord des Alpes est de plus en plus sujette à ce genre d’évènements. Vienne serait-elle plus imperméable à ce phénomène qui pourrait s’empirer avec le réchauffement climatique ? « Plus que toutes les autres villes ? Je n’oserai pas dire ça. Mais on peut dire que Vienne est bien préparée. Non seulement au niveau des infrastructures, mais aussi des insultions, du management, de la conscience que la population a de ce problème. Politiquement, c’est difficile de bâtir des protections anti-inondation avant une inondation. Partout dans le monde, on a tendance à penser à se protéger des inondations une fois qu’elles sont passées. Ici, nous avons simplement eu plus d’inondations d’ampleur. Alors, forcément, on prend le sujet au sérieux. »