Il Cannone, le violon légendaire du compositeur génois Niccolò Paganini est passé dans une nouvelle machine à rayons X au Synchrotron de Grenoble les 9 et 10 mars 2024. Grâce à cette technologie, une modélisation en 3D a permis de révéler les secrets de cet instrument mythique.
C’est sûrement le violon le plus célèbre de l’histoire. Il Cannone était l’instrument préféré du compositeur virtuose Niccolò Paganini (1782-1840). Fabriqué en 1743 par le célèbre luthier Giuseppe Bartolomeo Guarneri del Gesù, ce violon a participé de la légende du musicien génois, reconnu encore aujourd’hui pour sa maestria technique et son inventivité. Légué à la ville de Gênes à sa mort et conservé précieusement au Palazzo Doria-Tursi depuis 1851, cet instrument dont la puissance sonore lui avait valu son surnom de canon ne sortait que rarement. Seul le gagnant du Concours international de violon Niccolò-Paganini avait l’honneur d’y poser son archet le temps d’une performance. Jusqu’à ce mois de mars 2024.
Ayant eu vent des promesses technologiques d’une nouvelle machine à rayons X à l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) de Grenoble, les dirigeants du concours contactent alors les scientifiques en novembre 2023 pour mettre en place un projet inédit : passer le violon légendaire aux rayons X afin de percer les mystères structurels de sa puissance. En effet, les scientifiques grenoblois ont mis au point une nouvelle technique dite de micro-tomographie à rayons X qui promet une analyse par irradiation non-destructive.
16 300 images de coupe
Pour ne pas prendre le risque d’endommager un tel objet patrimonial, qui plus est assuré à hauteur de 30 millions d’euros, l’équipe du Synchrotron n’a pris aucun risque. Au préalable du déplacement exceptionnel d’Il Cannone en dehors de la Ligurie, deux autres violons passent sous ces nouveaux rayons X. Luigi Paolasini, physicien à l’ESRF et luthier amateur, a lui-même conçu les deux instruments qui passent alors haut la main l’expérience. Le 9 et 10 mars 2024, c’est au tour du Canon.
Pendant ces deux jours, le violon est enfermé dans un tube en verre et posé sur la machine, elle-même dans une cage en verre, pour qu’aucun changement de température ou d’humidité ne vienne le dégrader. Le premier jour, 16 300 images de coupe au cinquième de millimètre sont prises. Le second, la machine effectue quelques centaines de zooms entre 2,5 et 4 millièmes de millimètres sur les zones dégradées de l’instrument. Grâce à ces clichés inédits, les scientifiques peuvent ensuite reconstruire en trois dimensions le violon sous toutes ses coutures.
Selon l’équipe de l’ESRF, les premières analyses de l’intérieur du violon indiquent très peu de défauts et présentent un instrument extrêmement bien conservé. Les scientifiques ont ensuite annoncé que l’étude des images micrométriques allaient se poursuivre dans les prochains mois. Démontées numériquement une par une, les pièces du violon permettront de regarder avec précision l’état des clous, de la colle mais aussi la structure cellulaire du bois.
Des instruments au corps humain
Le luthier-physicien Luigi Paolasini explique notamment qu’Il Cannone n’a rien à voir avec les Stradivarius. Contrairement à ces violons révérés pour leur qualité acoustique autant qu’esthétique, l’instrument de Paganini présente des « coups de racloir, des ouïes asymétriques » qui témoigne du travail d’expérimentation du luthier. En revanche, s’il donne l’impression d’avoir « été construit un peu à l’arrache, avec un manche carré, mal fait, les parties intérieures sont incroyablement soignées ».
Fort de ce succès, les scientifiques du Synchrotron de Grenoble ont annoncé que le tomographe accueillerait prochainement un objet plus grand que les soixante centimètres d’Il Cannone. En plus de vouloir répéter l’expérience sur des instruments aussi gros que des violoncelles ou des contrebasses, l’équipe de chercheurs participe au projet Human Organ Atlas. En coordination avec l’University College de Londres et financé par la fondation Chan-Zuckerberg, ce dernier prévoit d’appliquer les progrès technologiques de ces nouveaux rayons X au corps humain d’ici 2027.