Sans surprise, des mathématiciens confirment le génie musical de Bach 

Statue du compositeur allemand Jean-Sébastien Bach à Leipzig - © hydebrink
Statue du compositeur allemand Jean-Sébastien Bach à Leipzig - © hydebrink

La musique est une affaire d’émotions et de ressentis mais aussi purement mathématique. Des chercheurs américains ont essayé de démontrer cela en analysant des milliers de morceaux de Jean-Sébastien Bach et ont pu déterminer que le compositeur allemand était bel et bien un génie. Sans surprise. 

Toccata et fugue en ré mineur, Le Clavier bien tempéré ou Variations Goldberg : chacune de ses pièces composées par Jean-Sébastien Bach est un chef d’œuvre de la musique baroque. Mais pas seulement. Selon les résultats d’une équipe de scientifiques américains publiés le 2 février 2024, les compositions du musicien allemand sont aussi des bijoux de mathématiques. 

Fascinée par les mystères encore impénétrables de la neuroscience, la doctorante en physique de l’université de Pennsylvanie Suman Kulkarni a décidé d’examiner les liens entre les structures de morceaux de musique et notre capacité à nous en souvenir ou d’anticiper son évolution. Unanimement considéré comme l’un des compositeurs classiques les plus influents, prolifiques et virtuoses de tous les temps, Bach est alors choisi par la scientifique américaine et ses collègues. La grande variété des œuvres du compositeur allemand – des œuvres chorales les plus méditatives aux toccatas les plus rythmées – offre à l’étude un large panel de sujets à évaluer. 

Partitions parallèles

Kulkarni a procédé à la conversion des morceaux de Bach en réseaux d’informations. Une note devenant un nœud, un temps entre les notes devenant une arête qui relie les nœuds. Ce faisant, la scientifique a pu mesurer la quantité d’informations dans chaque composition et les regrouper par catégories. Les toccatas, conçues pour divertir et surprendre, sortent grandes gagnantes de ce travail préliminaire, contrairement aux morceaux religieux, moins denses. 

Modélisations des partitions de Bach en réseaux d'informations, (a) Chorale BWV 437 et (d) Toccata BWV 916 - © University of Pennsylvania
Modélisations des partitions de Bach en réseaux d’informations, (a) Chorale BWV 437 et (d) Toccata BWV 916 – © University of Pennsylvania

Une fois cette conversion finalisée, la chercheuse américaine a procédé à l’évaluation de la perception d’auditeurs des morceaux du Cantor de Leipzig. En utilisant un modèle informatique préexistant qui observait les réactions de spectateurs à des images sur un écran et qui mesurait les degrés de surprise à la succession d’informations, Kulkarni a souhaité mesurer les écarts entre la composition jouée et les attentes subjectives en l’écoutant. Transposées sur de nouveaux réseaux d’information qui forment des sortes de partitions parallèles, les réactions des auditeurs entre chaque note forment ainsi de nouvelles arêtes, chacune correspondant à l’anticipation ou la surprise vis-à-vis de l’enchaînement de deux notes. 

Des limites méthodologiques

Avec cet ensemble de partitions mathématiques, les scientifiques ont pu alors quantifier précisément les informations perçues par les auditeurs par rapport au contenu initial imaginé par le musicien et ainsi déterminer la qualité de la transmission. En d’autre termes, mesurer de façon mathématique l’harmonie intrinsèque d’un morceau. Déjà admiré par les mélomanes, Bach convainc aussi les mathématiciens : les décalages de perception entre les deux sortes de partitions sont très faibles. 

Sans prendre en compte des éléments comme la durée d’écoute, le capital culturel ou tout simplement l’expérience musicale, les résultats de l’étude pennsylvanienne restent encore limités méthodologiquement. Mais chaque étape vers une meilleure compréhension des réponses cérébrales aux structures complexes comme la musique est une avancée importante pour la neuroscience. Quant à Kulkarni, celle-ci espère améliorer le modèle informatique et tester l’expérience « sur d’autres compositeurs, notamment non-occidentaux ». Pas sûr que tous passent les tests avec autant de réussite.