Poutine veut-il envoyer une bombe atomique dans l’espace ?

Poutine veut-il vraiment envoyer une bombe atomique dans l’espace ?
Poutine veut-il vraiment envoyer une bombe atomique dans l’espace ? Photo Asatur Yesayants

Aux États-Unis, la presse et le Congrès s’emballent. Selon des rapports du renseignement américain, le Kremlin mettrait au point une arme de dissuasion spatiale qui menacerait la flotte satellitaire occidentale. 

Le 14 février 2024, Mike Turner, président de la Commission du renseignement du Congrès américain, déclenche une vague de panique lorsqu’il demande au gouvernement de déclassifier des documents du renseignement concernant la Russie. Selon l’élu républicain, Moscou aurait mis au point un système de défense nucléaire qui viserait à détruire le réseau de satellites déployés par les États-Unis. Suite à ces inquiétudes de la part du membre du Congrès, diverses théories surgissent quant à la nature de ce système de défense. Nouvelle arme atomique spatiale ? Brouilleur à énergie nucléaire ? Simple satellite à énergie nucléaire ? 

Dispositif anti-satellitaire

Face à l’ampleur d’une telle menace, l’administration Biden s’est empressée de désamorcer toute crainte liée à une attaque nucléaire russe sur la flotte de satellites qui assurent non seulement nos prévisions météorologiques mais qui composent un élément indispensable du système de défense et de renseignement américain. S’il a confirmé que la Russie travaillait bel et bien à la conception d’un dispositif nucléaire anti-satellitaire, le président américain a cependant assuré que ce dernier n’était encore qu’au stade du développement et ne présentait aucune menace aujourd’hui. Les autorités russes ont immédiatement dénié cette information, qualifiée d’invention malveillante. 

Modèle de la 1re bombe nucléaire soviétique testée en 1949 - © Naeblys
Modèle de la 1re bombe nucléaire soviétique testée en 1949 – © Naeblys

Sans donner suite aux demandes de déclassification de Mike Turner, Joe Biden a seulement précisé que le dispositif en question était une arme à impulsion électromagnétique nucléaire (IEMN), incomparable avec une bombe atomique conventionnelle dont la déflagration soufflerait les satellites en orbite dans son rayon. Toutefois, l’IEMN pourrait en théorie désactiver de nombreux satellites en grillant tous les circuits, rendant ainsi une vaste zone d’orbite satellitaire complètement inutilisable. 

Traité de l’espace

Plutôt qu’une menace directe, le développement d’une telle arme s’inscrirait plus probablement dans la lignée de la doctrine de dissuasion nucléaire dont le Kremlin est coutumier. De plus, une attaque sur la flotte américaine toucherait sûrement de nombreux satellites dont la Russie dépend aussi. Loin d’être nouvelle, cette technologie fait l’objet de recherches depuis l’invention de la bombe atomique dans le désert de Los Alamos en 1945. Avec les projets Starfish Prime et Projet K en 1962, États-Unis et URSS avaient déjà procédé à des tests de bombes à IEMN et pu constater l’ampleur des dégâts d’une telle arme sur les communications satellitaires. Ces tests avaient été suivis en 1963 du Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires signé à Moscou – qui interdit toute explosion nucléaire dans l’espace – ainsi que du Traité de l’espace de 1967, lequel prohibe tout stationnement d’armes de destruction massive dans l’espace. 

Antennes paraboliques d'une station terrienne russe en Sibérie - © Andrei Stepanov
Antennes paraboliques d’une station terrienne russe en Sibérie – © Andrei Stepanov

En 1978, la NASA avait développé une hypothèse, connue sous le nom de syndrome de Kessler, qui postulait qu’une augmentation du nombre de débris spatiaux pourrait rendre inaccessible toute la zone d’orbite. Détruits à l’aide de missiles, les morceaux de satellite viendraient percuter les autres modules, enclenchant ainsi une inarrêtable réaction en chaîne. De quoi convaincre Vladimir Poutine de faire machine arrière ? Rien n’est moins sûr. La Russie, autant que la Chine, l’Inde et les États-Unis, ont déjà effectué des tests de missiles antisatellites ces dernières années. En 2021, Moscou avait réussi à abattre un ancien module soviétique en orbite avec une de ces armes.