Le métavers a-t-il encore un futur ?

Image Shutterstock.
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Mark Zuckerberg en est persuadé : des mondes virtuels appelés métavers vont prendre le relai des réseaux sociaux actuels, et être un véritable levier pour l’économie de demain, avec des possibilités de développement infinies. Pourtant, trois ans après son lancement, Horizon – le métavers de Meta – est un gouffre financier qui lui coûte 1 milliard de dollars par mois.

Ca avait commencé par une annonce en grande pompe en octobre 2021, celle du changement de nom de l’entreprise Facebook, devenue Meta, regroupant à l’intérieur toutes les activités de la société créée par Mark Zuckerberg en 2004, dont le développement du réseau social du futur : « Ce nouveau nom marque notre nouvel objectif : aider à donner vie au métavers » expliquait-il, sans que son ambition soit très bien comprise par l’ensemble des utilisateurs de Facebook.

L’idée pouvait se résumer de la sorte : un monde virtuel où chacun serait libre de se promener avec son avatar, d’interagir avec les autres comme il le ferait dans la rue ou à une terrasse d’un café. Un monde où les entreprises seraient invitées à y commercialiser des version virtuelles de leurs produits : vêtements, architecture, nouvelles technologies, hôtels, automobile… En somme une version améliorée du jeu vidéo Second Life, sorti en 2003, où les joueurs créaient eux-mêmes leur environnement dans un univers persistant. 21 ans après sa publication, les éditeurs revendiquent encore près d’un million de connexion par mois.

Livre des visages

Un petit succès installé sur le long terme qui aurait donné des idées à Mark Zuckerberg. Lui qui, au début des années 2000, encore qu’un simple étudiant, changea le monde avec son « livre des visages », désormais utilisé quotidiennement par près de 3 milliards d’individus à travers la planète, veut réitérer l’exploit. Une entreprise qui n’innove pas, dans un secteur aussi concurrentiel que les nouvelles technologies, n’est-elle pas une entreprise qui meure ?

Sauf que les choses sont cette fois un peu plus compliquée. En témoigne les derniers chiffres officiels : avec des pertes s’élevant à un milliard de dollars par mois, la division Reality Labs, en charge de développer Horizon – nom donné au métavers de Meta – s’avère être un gouffre financier qui ne génère aucun revenu encore actuellement.

10 000 recrues en Europe

Pour l’heure, Horizon ne compterait que 200 000 utilisateurs actifs par mois, soit beaucoup moins que l’objectif affiché fin 2022 de 500 000. Pourtant, Meta n’en démord pas, expliquant que cet argent est le prix à payer pour développer cet écosystème où nous finirons tous par interagir. D’ailleurs, la firme prévoit de recruter massivement en Europe dans les cinq prochaines années, soit 10 000 ingénieurs et développeurs.

Mais Horizon n’est pas le seul métavers a rencontré un échec cuisant. Disney, qui avait investi dans la création de son propre monde virtuel à l’instar de celui de Meta, a fermé sa division dédié et renvoyé les 50 employés en 2023. Au lieu de ça, le premier groupe de divertissement au monde a jeté son dévolu sur une autre option : Fortnite, ce jeu multijoueur gratuit qui fait fureur chez les adolescents, en y investissant 1,5 milliards pour la création d’avatar du jeu issus des univers dont Disney détient les droits : Star Wars, Marvel ou Pixar pour ne citer qu’eux.

ChatGPT trouble-fête

L’une des raisons avancées de cette perte d’intérêt pour le métavers est l’explosion de l’intelligence artificielle. Le lancement de ChatGPT en novembre 2022 par OpenAI, cet assistant conversationnel qui s’affirme comme une révolution dans de nombreux domaines, a éclipsé tout ce que le métavers générait de curiosités. Autre raison avancée, le choix des cryptomonnaies comme moyen d’échange sur ces plateformes, mais qui sont très instables en des temps de récession économique, a aussi freiné les investissements.

Depuis 2023, de nombreux métavers enregistrent ce qu’on pourrait appeler un véritable krach immobilier. Après que des parcelles de terrain virtuel aient atteint des records de vente entre 2019 et 2022, celle-ci se sont littéralement effondrées. Sur Decentraland, un métavers où les utilisateurs échanges des NFT via la cryptomonnaie Mana, le cours a chuté de 78 %.

Sur le site Novethic, l’économiste Julien Pillot explique : « C’est la fin d’une euphorie. De nombreuses entreprises ont cru pouvoir obtenir des retours sur investissement rapides mais l’engouement du grand public et la maturité technologique ne sont pas encore là. »

En attendant, du côté de Meta, on s’obstine à y croire. Les revenus nets du groupe au premier trimestre 2024 –- 12,4 milliards de dollars – sont là pour éponger les coûts de son métavers. Mais l’action boursière du groupe, elle, continue de chuter, enregistrant fin avril une baisse de 19 %.