L’impact de l’homme sur la planète s’observe désormais par réalité virtuelle

A Paris, l'entreprise FlyView propose d'observer l’impact de l’homme sur la planète avec des casques de réalité virtuelle. - © FlyView
A Paris, l'entreprise FlyView propose d'observer l’impact de l’homme sur la planète avec des casques de réalité virtuelle. - © FlyView

Depuis le 6 avril 2024, la société parisienne de réalité virtuelle FlyView propose deux nouvelles expériences aux États-Unis et en Chine. Un survol immersif et méditatif des grands espaces, des ville-mondes et des zones industrielles de ces deux puissances afin de porter un regard inédit sur l’activité humaine sur Terre. 

L’embarquement pour la Chine et les États-Unis ne se fait plus à l’aéroport de Roissy. À quelques pas de la place de l’Opéra à Paris, une équipe de stewards attend les passagers impatients de s’envoler pour l’empire du Milieu ou l’eldorado américain. Un comptoir rempli de goodies façon duty-free, des écrans d’affichage des vols et quelques banquettes pour patienter… Rue du Quatre-Septembre, c’est un véritable petit hall d’aéroport qui nous accueille. Mais avec la compagnie FlyView, pas de contrôle des passeports ni des bagages, un simple escalier mécanique descend vers la porte d’embarquement. En bas des marches, une petite salle, une dizaine de fauteuils surplombés de tiges lumineuses et un casque de réalité virtuelle sur le siège. Ici, on décolle sans quitter la capitale.

Depuis 2018, la société FlyView propose une variété d’expériences de réalité virtuelle dédiées au voyage et à la découverte. Pour un prix allant de 16 à 21,50 euros, harnaché à un jetpack, casque de réalité virtuelle sur la tête, les curieux peuvent effectuer un survol des grands monuments parisiens ou des lieux touristiques de la France (Mont-Saint-Michel, Mont Blanc, Étretat). Avec quelques séquences en vol libre où il est possible de diriger son jetpack et un vent artificiel soufflé au visage, l’immersion est totale. À condition de ne pas être sujet au vertige. Après l’incendie de Notre-Dame de Paris en avril 2019, FlyView amorce un virage dans sa logique de divertissement et offre aux spectateurs la possibilité – sans jetpack – de découvrir la cathédrale gothique avant et après le drame mais aussi de visiter l’intérieur des pyramides d’Égypte avec des images reconstruites en 3D. 

Lao Zi et John Denver

De ces succès commerciaux et des conséquences accrues du réchauffement climatique naît une nouvelle idée pour l’entreprise de réalité virtuelle : plonger le spectateur dans des territoires lointains de la planète avec de véritables images et raconter ainsi les bouleversements de l’anthropocène. Le tout dans un décor qui frôle la dystopie, assis sur un petit siège tournant dans un sous-sol parisien. Le visage happé par un casque de réalité virtuelle, la pièce souterraine et les autres passagers disparaissent subitement. En une fraction de seconde voilà qu’on plane au choix au-dessus de la Chine ou des États-Unis. 

« Nous voulions rendre l’inaccessible possible » explique Sophie Lemonde, directrice marketing et commerciale de FlyView. Pour ce faire, le réalisateur Thierry Loa a embarqué en équipe restreinte pendant plusieurs mois aux États-Unis et en Chine afin d’y filmer la multitude des territoires. Le résultat de ces mois de repérage et de tournage aboutit finalement à deux expériences immersives d’une vingtaine de minutes.

Chacun à leur façon, le philosophe chinois Lao Zi et le chanteur de country John Denver concluent les films par une forme d’avertissement au spectateur : l’accaparement des ressources naturelles de la Terre n’est pas sans conséquences. « Le but de ces expériences n’est pas seulement de proposer des images inédites mais aussi d’inciter à la réflexion sur le rapport de l’humain à la planète. Il n’y a pas d’ambition militante, chacun se fait sa propre impression à la fin, même si les images ne sont pas choisies au hasard. » assure Sophie Lemonde. 

Inviter à la méditation 

Dans chacun des pays, le passager est invité à observer une succession de paysages, de villes ou de zones industrielles avec une vision totale à 360°. À bord d’une petite nacelle invisible et silencieuse, on flotte au-dessus des tonnes de bitume, de béton et d’acier des grandes villes, au milieu des fumées opaques des usines et des grands espaces encore préservés dont la pureté est encore palpable. Aux États-Unis, les iconiques roches ocres du Grand Canyon et les gratte-ciels de Manhattan défilent entre les autoroutes, les champs de pétrole de l’Oklahoma et les crop circles du Texas. En Chine, on plane d’une mégalopole méconnue à une autre, en passant par les dunes immenses du désert de Dūnhuáng, le parc national de Zhāngjiājiè et les mines à ciel ouvert de Wūhǎi. 

Dans cette succession d’images ébouriffantes, aucune narration mais une musique atmosphérique envoûtante pour inviter à la méditation. En levant la tête, une représentation du territoire filmé par le drone avec un effet little planet se substitue au simple ciel bleu. Résultat, une impression renforcée de ne pas voir des panoramas fictifs mais bien ceux de la Terre. 

Aspects didactiques de la technologie 

Pour aussi époustouflants que sont les piliers de roche de Zhāngjiājiè, difficile de ne pas retenir ces moments de flottement au milieu des volutes de pollution qui baignent les gratte-ciels chinois ou les centaines de tracteurs qui extraient des minerais dans le désert de Dūnhuáng. Quant aux États-Unis, les panoramas de Californie et du Nouveau-Mexique s’effacent aussi derrière ces kilomètres de routes, de bretelles et d’échangeurs qui en font le paradis étouffant de la voiture. 

« Avec la réalité virtuelle, nous avons à notre disposition un outil extrêmement riche. Après les expériences de divertissement que nous avons développées nous voulions aussi explorer les aspects didactiques de cette technologie » confie la directrice commerciale de FlyView. « C’est aussi en suivant les thématiques fortes de notre époque et les retours de nos visiteurs que l’on a pensé à cette idée de l’anthropocène ». Avec l’ouverture de ces deux expériences le 6 avril 2024, le projet baptisé 21-22 Earth n’en est qu’à son début. Actuellement en repérage en Inde, le réalisateur Thierry Loa prépare le troisième volet de ces expériences immersives qui doivent couvrir la planète entière. Mais pour découvrir les territoires inconnus du Bharat depuis cet étrange aéroport souterrain, il faudra attendre 2025-2026.