Le « syndrome de La Havane » était une arme sonique russe

Ambassade américaine à La Havane, en 2016.
Ambassade américaine à La Havane, en 2016.

Une centaine d’agents de l’administration américaine se plaignaient de mystérieuses douleurs sensorielles et auditives depuis 2016, allant jusqu’à les empêcher de travailler et se faire hospitaliser, sans qu’aucune explication ne mettent en lumière les raisons de ces symptômes. Une enquête journalistique publiée début avril tendrait à prouver la responsabilité des services secrets russes.

Les faits remontent à 2016. À l’époque, ils sont une quarantaine d’Américains basés à La Havane (Cuba), des diplomates et agents de la CIA et du FBI pour la plupart. Tous se sont plaints de sensations de vertige, de trouble de la vision, de pertes de mémoire et de douleurs à l’oreille. Des symptômes qui gagnent aussi leurs familles jusqu’aux États-Unis, en Australie ou en Allemagne, et si persistants qu’ils poussent certains d’entre eux à se faire hospitaliser ou à démissionner. D’autres cas sont recensés au fil des années, au point de déstabiliser Washington. Notamment le 13 janvier 2021, à Genève, date à laquelle trois Américains sont atteints, puis à Paris, et six mois plus tard, à Vienne (Autriche).  

Sabotage, élimination

Ces signalements, dénommés par la suite le « syndrome de La Havane », ont permis à plusieurs médias dont The Insider, Der Spiegel mais également CBS d’enquêter pendant un an et de remonter le fil de ces cas anormaux de santé qui semblaient cibler des fonctionnaires américains en poste à Cuba. D’après les éléments révélés début avril, l’enquête démontreraient la responsabilité de l’unité 29155 des services secrets russes, qui agiraient depuis 2014 pour les intérêts du Kremlin. C’est d’ailleurs à cette date que le premier cas, localisé à Francfort (Allemagne), sur un employé du consulat des États-Unis, a été répertorié. Ce dernier avait par la suite identifié un agent de l’unité russe 29155. Sabotage, élimination ou espionnage, ce groupe s’était d’abord fait connaître en tentant d’empoisonner un ancien agent de leur service exilé au Royaume-Uni, Sergueï Skripal.

Ce « syndrome de La Havane » serait donc une arme sonique provoquée par une vibration acoustique silencieuse à très haute fréquence. Une fois dans le corps, elle perturberait le système nerveux de l’oreille interne, allant jusqu’à endommager des cellules du cerveau. Un agent de sécurité du consulat américain à Guangzhou (Chine), explique dans l’émission 60 Minutes de CBS, avoir souffert de symptômes après avoir entendu des bruits étranges au-dessus du berceau de son fils, comme une « bille dans un entonnoir métallique ».

Ex-URSS

L’enquête, effectuée par trois journalistes d’investigation – Dont l’un d’entre eux, Christo Grozev, avait déjà révélé la vérité derrière l’empoisonnement d’Alexeï Navalny – s’est basée sur des documents internes aux services secrets russes, des journaux de voyage démontrant la géolocalisation d’agent de l’unité dans des environs très proches des victimes lors des attaques. Elle dévoile à ce titre des documents issus d’un programme née dans l’ex URSS, en 1984, appelé Reduktor, et dont les recherches scientifiques portaient sur l’utilisation de « rayonnement électromagnétique pour influencer le comportement et les réactions des objets biologiques, y compris les personnes ».

Dans un rapport publié en mars 2023, les services secrets américains avaient minimisé ces incidents, déclarant « très peu probable » l’utilisation d’une arme sonique par une puissance étrangère. Côté russe, le porte-parole du Kremlin n’a pas tardé à réagir, s’opposant aux conclusions de l’enquête : « Personne n’a jamais publié de preuve convaincante, donc tout cela n’est rien d’autre qu’une accusation sans fondement. »