Le 5 mars 2024, le patron de l’agence spatiale russe Roscosmos a annoncé un projet fou : la construction d’une centrale nucléaire sur la Lune. En coopération avec la Chine, la Russie souhaite relancer la course à l’espace et tente de concurrencer les récents projets américains.
Un petit pas pour l’homme, un grand réacteur nucléaire pour la Lune ? Alors que le sol lunaire n’a pas été foulé depuis la mission Apollo 17 en 1972, les agences spatiales du monde entier ont décidé depuis quelques années de relancer des programmes d’exploration sur notre satellite naturel. Le 5 mars 2024, Iouri Borissov, patron de l’agence spatiale russe Roscosmos, a annoncé la dernière idée en date pour reconquérir la Lune : un projet sino-russe de centrale nucléaire à même la surface lunaire.
Structure cyclopéenne
En marge du Festival mondial de la jeunesse qui s’est tenu du 1er au 7 mars 2024 à Sirius sur la Mer noire, Iouri Borissov a révélé ce plan très sérieux développé conjointement par Pékin et Moscou. L’ancien vice-premier ministre de Vladimir Poutine, nommé à la tête de l’agence spatiale Roscosmos en 2022, a expliqué que les deux pays prévoyaient « sérieusement la livraison et l’installation d’une centrale nucléaire sur la surface lunaire pour l’horizon 2033-2035 ». Le haut fonctionnaire russe a de plus précisé que l’option d’une centrale solaire avait un temps été envisagée mais que l’exposition trop irrégulière de la Lune au Soleil ne permettait pas des capacités suffisantes de stockage d’énergie.
Cette annonce fait suite à la signature d’un accord sino-russe au mois de mars 2021 afin de construire une station lunaire scientifique internationale, sur le modèle de la station spatiale internationale. Si le projet bilatéral aboutit, celle-ci devrait donc tourner à l’énergie nucléaire. Borissov a aussi précisé que ce partenariat doit permettre le développement de vaisseaux cargo à propulsion nucléaire, décrits comme une « structure cyclopéenne » capable de transporter des chargements immenses d’une orbite à l’autre et de ramasser des débris spatiaux.
Présence humaine de longue durée
S’il paraît fou, le projet sino-russe s’avère n’être qu’une réponse à un projet similaire annoncé par les États-Unis il y a moins de deux ans. En juin 2022, la NASA et le Department of Energy du gouvernement américain avaient aussi annoncé un projet nucléaire lunaire. Trois propositions de concept de système d’énergie de surface par fission ont ainsi été sélectionnés par les agences fédérales américaines, dans l’espoir de les déployer sur la Lune d’ici à 2030. Jim Reuter, administrateur associé Space Technology Mission Directorate de la NASA avait affirmé que « le développement de ces designs nous permettra de poser les bases d’une présence humaine de longue durée sur d’autres planètes ».
Dans le contexte géopolitique actuel entre les trois superpuissances, la course à la reconquête de la Lune n’est pas sans rappeler les affrontements scientifiques américano-soviétiques de la Guerre froide. Alors que les Américains sont encore les seuls à avoir foulé le sol lunaire, la Chine espère rattraper son retard en envoyant le premier astronaute chinois en 2030, après l’alunissage réussi de rovers en 2013, 2019 et 2020.
Tchernobyl lunaire
En s’associant avec la Chine, la Russie espère elle retrouver la période glorieuse de l’expédition de Iouri Gagarine en 1961. En août 2023, la sonde spatiale Luna-25, première mission lunaire russe depuis près de cinquante ans, s’était malheureusement écrasée sur le satellite naturel. Quant aux États-Unis, le lancement du programme Artemis en 2017 prévoit de poser à nouveau des pieds américains sur la Lune en septembre 2026.
Bien que le directeur de Roscosmos ait précisé que l’installation d’une telle centrale nucléaire sur la Lune se fera sans humains présents, difficile de ne pas se demander quelles seraient les conséquences d’un Tchernobyl lunaire.