La recherche pour une contraception masculine s’accélère

Préservatif masculin, l'une des trois méthodes de contraception masculine reconnues officiellement en France. - © BeataGFX
Préservatif masculin, l'une des trois méthodes de contraception masculine reconnues officiellement en France. - © BeataGFX

Pour des raisons sociétales autant que médicales, les femmes sont aujourd’hui majoritairement responsables de la charge contraceptive dans leur couple. Une inégalité historique que les scientifiques cherchent à réparer en mettant au point de nouvelles méthodes de contraception masculine prometteuses. 

Stérilet, implant, anneau vaginal, diaphragme, ou encore pilule, les méthodes contraceptives féminines sont nombreuses et leurs efficacités diverses. De leur côté, les hommes n’en ont que trois reconnues officiellement : le retrait (taux d’échec de 22%), la vasectomie, (taux d’échec presque inexistant mais irréversible), et le préservatif, (efficace seulement à 85% dans la vie réelle). 

Pourtant abordée dès les années 1970, la question de la contraception masculine ne décolle pas. Mais depuis quelques années, à l’aune des évolutions sociétales concernant l’égalité homme-femme, les scientifiques revisitent certaines de ces solutions et tente d’innover. Pilule masculine, injections de testostérone, sous-vêtements chauffants ou encore gel hormonal : tout est bon pour rattraper des décennies de retard.

Injections intramusculaires 

Sur le modèle de la pilule féminine inventée en 1956, des chercheurs américains tentent quelques années après de mettre au point son équivalent masculin mais vont se heurter à quelques obstacles. Puisque la testostérone se métabolise avant d’atteindre l’hypothalamus, la partie du cerveau qui donne entre autres l’ordre de produire des spermatozoïdes, les scientifiques proposent une méthode par injections intramusculaires. Moins pratique qu’avaler un cachet, le procédé obtient néanmoins des résultats encourageants qui seront cependant abandonnés rapidement en raison d’effets secondaires. Lesquels ? Prise de poids, baisse de libido et troubles de l’humeur…soit des symptômes similaires à la pilule hormonale pour les femmes. 

Abandonnant la piste hormonale, des médecins toulousains avaient déjà exploré dans les années 1980 une méthode thermique : le sous-vêtement chauffant, à porter 15 heures par jour pour faire passer la température des testicules de 34 à 37°C et ainsi arrêter la spermatogenèse. Toujours disponible aujourd’hui, cette méthode – que la Haute Autorité de Santé (HAS) ne reconnaît pas – reste malheureusement peu populaire.

En plus de la longue durée nécessaire, l’efficacité doit être vérifiée par le biais d’un spermogramme tous les trois mois, ce qui ne convainc ni utilisateurs ni leurs partenaires. « C’est un obstacle qui refroidit de très nombreux patients qui souhaitent pourtant de plus en plus explorer les nouvelles options de contraception masculine » explique le gynécologue Jérémie Mattern. « Que la méthode de contraception soit thermique ou hormonale, la science se heurte au problème de la durée du cycle de gamétogenèse, de 70 jours environ pour la spermatogenèse, contre 28 pour le cycle menstruel ». Un obstacle scientifique avec d’importantes répercussions pratiques. 

Un anneau en silicone

Depuis quelques années, et alors que de plus en plus d’hommes affirment vouloir partager plus équitablement la charge contraceptive et ses éventuels effets secondaires, de nouvelles pistes sont à l’étude. Souhaitant reprendre le projet d’une pilule masculine hormonale, des chercheurs de UCLA ont effectué des tests en 2019 et 2020 pour une nouvelle pilule de testostérone et sur un médicament à base de triptonide (une herbe chinoise) pour limiter la motilité spermatique. Des solutions qui doivent encore faire leurs preuves cliniques avant d’arriver en pharmacie.

Du côté des solutions thermiques, l’infirmier bordelais Maxime Labrit a mis au point en 2017 un anneau péno-scrotal en silicone. En maintenant les testicules dans la zone pubienne, celui-ci les réchauffe et interrompt donc la spermatogenèse. Rapidement commercialisé, le produit baptisé Andro-switch est suspendu en 2021 par la HAS faute d’études suffisantes. Par l’intermédiaire de son entreprise Thorème, Maxime Labrit n’a pas abandonné et a réussi à lever 300 000 dollars pour financer ses tests cliniques qui devraient démarrer en 2024. 

Un nouveau gel hormonal 

Mis à part quelques autres tentatives américaines – une équipe new-yorkaise tente encore de développer une solution utilisant un inhibiteur protéique pour obtenir une pilule interrompant la fertilité 24 heures – une seule solution semble faire poindre l’espoir d’une méthode contraceptive masculine accessible prochainement. Piloté par les Instituts américains de la santé (NIH), le projet NES/T est aujourd’hui en tête de gondole des espoirs de la contraception masculine. 

Sous la forme d’un gel à appliquer quotidiennement sur les épaules, cette nouvelle méthode testée cliniquement depuis 2018 est aujourd’hui l’une des plus prometteuses. Composé d’un progestatif et d’un dérivé de testostérone, le gel NES/T permet d’arrêter la transmission d’informations entre l’hypothalamus et l’hypophyse, la glande sécrétant les hormones. Bien qu’il ne faille pas toucher femmes et enfants pendant environ 4 heures après l’application de la pommade, les résultats initiaux de l’étude sont plus que prometteurs : le taux d’échec oscille seulement entre 1 et 4%, sans effets secondaires graves. Diana Blithe, coordinatrice scientifique de ces recherches aux NIH estime que « dans dix ans, on devrait disposer d’un contraceptif efficace, réversible et pratique pour les hommes ». 

En attendant la commercialisation de ces méthodes ou la mise au point d’une nouvelle formule qui révolutionne la contraception masculine, c’est une procédure chirurgicale inventée au XIXe siècle qui a la cote aujourd’hui : la vasectomie. En 15 ans, les demandes pour cette stérilisation quasi-définitive ont été multipliées par 12 en France. « Avec une demande accrue pour un partage de la charge contraceptive, l’option de la vasectomie apparaît pour beaucoup comme une solution idéale, souligne le Dr Mattern, « mais reste demandée essentiellement par des hommes en couple ». Archaïque ou futuriste, la solution à l’équité contraceptive reste impossible à décorréler d’une plus grande sensibilisation à la question.