Grâce à des coquillages accrochés à l’un des rares morceaux de l’avion disparu en 2014, la recherche du vol MH370 et ses 239 passagers va reprendre. L’analyse de la coquille de ces crustacés pourrait révéler une partie du trajet de la carcasse de l’avion dans l’Océan indien.
Le vol MH370 de Malaysia Airlines a disparu il y a plus de 10 ans, le 8 mars 2014. Depuis ce jour, lorsque le Boeing 777 en partance de Kuala Lumpur et à direction de Pékin s’est évanoui dans la nature entre la Malaisie et le Vietnam, de très nombreuses théories ont affleuré pour tenter d’expliquer ce mystère. En juillet 2015, un morceau d’aile de l’avion s’échoue sur la côte de la Réunion, à plus de 1500 kilomètres du site estimé du crash au large de l’Australie, sans que l’on puisse expliquer comment il y est arrivé. Et après encore trois ans de recherche sans succès, les autorités malaisiennes annoncent abandonner, laissant les familles des 239 passagers toujours sans réponse. Jusqu’à ce que des coquillages viennent rebattre les cartes.
Sur le flaperon, ce morceau d’aile échoué sur les côtes ultramarines françaises, des centaines de petits crustacés s’étaient amassés, recouvrant partiellement le métal avec leurs coquilles. C’est pourtant de ce détail banal d’un objet humain reconquis par la faune marine que l’espoir de retrouver la carcasse du MH370 a ressurgi. En effet, chacun de ces crustacés – des balanes – porte en son sein un trésor inestimable d’informations. Comme les anneaux d’un arbre, les différentes couches de la coquille de ces crustacés sont un témoignage de leur vie sous-marine. En décortiquant ces « enregistreurs médico-légaux », le trajet du flaperon depuis le site du crash jusqu’à la Réunion pourrait alors être retracé.
Les progrès de la biologie marine
Inconnues en 2015, ces informations ont d’abord fait l’objet de tests par diverses équipes de biologistes marins, désireux de comprendre comment ces petits coquillages se forment et évoluent en fonction des courants, des températures et de la composition chimique de l’océan. Après plusieurs tests dans les Maldives, les membres de l’Olive Ridley Project, un programme de conservation des tortues de mer, établissent en 2020 une méthode de calcul de croissance des balanes en fonction de la température, permettant d’évaluer leur temps passé sous l’eau. Suite à ces progrès de la biologie marine, une équipe de chercheurs des universités de Floride du sud et de Galway a tenté d’appliquer ces méthodes aux coquilles retrouvées sur le flaperon.
Le 23 août 2023, les chercheurs publient les résultats de leur étude sur le balane que les autorités françaises ont consenti à communiquer. Mesurant 25 millimètres, le crustacé n’a que quelques mois, est né dans des eaux chaudes à plus de 26,5°C avant de traverser des eaux à moins de 24°C et de s’échouer à la Réunion. Selon ces calculs, le morceau d’avion aurait passé ses quatre derniers mois dans une zone à 1500 kilomètres de l’île française. Bien plus à l’ouest que la zone d’impact supposée, à 1600 kilomètres de l’Australie. Des résultats incompatibles avec les quatre années de recherche du MH370.
Une théorie impossible
Malgré cette découverte prometteuse, le trajet de la carcasse dans l’Océan indien reste flou : seule une partie des seize mois entre le crash de mars 2014 et l’échouement de juillet 2015 peuvent être expliqués par l’étude des balanes. De plus, cette étude ne correspond pas aux premiers résultats de scientifiques australiens qui ont rapporté les propriétés flottantes du flaperon aux modèles de dérives dues aux courants pour déterminer son trajet du point d’impact jusqu’à la Réunion. Pour ce faire, le morceau d’avion aurait dû passer ces seize mois proche de la surface et partiellement immergé. Une théorie impossible selon l’étude des crustacés, nécessairement immergés plus profondément pour s’accrocher et se développer, ne serait-ce que sur quatre mois.
Malgré les incohérences et les zones d’ombre, les découvertes faites par l’ensemble de la communauté scientifique sur le potentiel de ces petits crustacés invasifs ont redonné de l’espoir aux familles des victimes. À l’occasion de journées de commémoration pour les dix ans du crash, le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim a déclaré le 3 mars 2024 vouloir reprendre les recherches de l’avion. Une volonté partagée par la compagnie américaine Ocean Infinity. Déjà instigatrice des recherches jusqu’en 2018, elle met désormais en avant de toutes nouvelles informations obtenues grâce aux radars militaires de la Malaisie.
Grâce à ces outils, l’hypothèse de l’incident en vol est démentie au profit d’une autre explication : derrière le mystérieux changement de cap du MH370 en direction du sud, seul un pilotage manuel est possible. Une piste très crédible qui indique une nouvelle zone d’impact encore non explorée dans l’Océan indien. Et qui pourrait être cohérente avec les premières révélations des crustacés agrippants.