La population mondiale croîtra-t-elle éternellement ?

Venise, 2019. Image Shutterstock.
Venise, 2019. Image Shutterstock.

À l’aube de ce quart de siècle, la planète Terre compte, selon les Nations Unies, 8,2 milliards d’habitants. En cent ans, la population mondiale a plus que quadruplé. La moitié du 21ème siècle atteint, la planète devrait compter environ 2 milliards d’humains supplémentaires. Mais, d’ici 2100, la croissance démographique internationale pourrait avoir freiné. Pourquoi ? Explications de Géraldine Duthe, directrice déléguée à la recherche de l’Institut National d’Études Démographiques. 

Les humains sont 4 fois plus nombreux qu’il y a un siècle. La population mondiale a doublé en un demi-siècle. Pourtant, la croissance mondiale ralentit. Pourquoi ?

Géraldine Duthe : Historiquement, on était un milliard au début du XIXème siècle. On a mis des milliers d’années pour arriver à ce seuil. Puis 123 ans pour arriver à 2. On est arrivés à 4 milliards dans les années 70. Là, on commençait à beaucoup s’inquiéter de ce qu’on appelait alors l’explosion de la population mondiale, qui a donc doublé depuis. Aujourd’hui, on met à peine plus de dix ans pour arriver d’un milliard à un autre. Cela montre la force de cette croissance, qui est très rapide, certes, mais qui commence, en effet, à ralentir. On a mis 11 ans pour passer de 7 à 8 milliards. D’après les projections des Nations Unies, on devrait mettre 15 ans pour arriver à 9. C’est très rapide, mais un petit peu plus long, parce que la fécondité globale est en baisse. Le gros moteur de l’augmentation de la population, c’est le nombre d’enfants par femme en moyenne. Il y a plein de régions du monde où la fécondité est passée en dessous de ce qu’on appelle le seuil de renouvellement, qui est à peu près 2 enfants par femme.

« Un des gros moteurs de la baisse de la fécondité est l’éducation des femmes »

Enfin, plus précisément, il faut qu’une femme ait deux enfants pour qu’elle ait, en moyenne, une fille qui, elle, deviendra mère à l’âge adulte. Il y a un peu de mortalité avant d’atteindre l’âge adulte. Donc le véritable seuil est de 2,1 enfants par femme. Si la population est à 2,1, une génération est remplacée par une autre, exactement. L’Europe et l’Amérique du Nord sont passées en dessous de ce seuil au milieu des  années 70, un peu avant l’Australie et la Nouvelle Zélande. C’est ensuite arrivé en Asie de l’Est et du Sud-Est, ce qui inclue l’Inde et la Chine. Puis, dans les années 2010, la région qui englobe les Caraïbes et l’Amérique latine est passée en dessous du seuil aussi. Alors qu’après la Seconde Guerre Mondiale, la fécondité en Asie et en Amérique latine était entre 6 et 7 enfants par femme, en moyenne. Depuis, elle a baissé dans la plupart des régions du monde. Même en Afrique, la région où la fécondité reste la plus élevée, les femmes n’ont en moyenne plus que 5 enfants chacune. Même un peu moins. Que s’est-il passé ? Un des gros moteurs de la baisse de la fécondité est l’éducation des femmes. La mise à disposition de moyens de contraception a également joué un rôle. 

Depuis 10 ans, l’ONU a révisé à la baisse ses projections pour la fin du siècle : elle estime maintenant que la population mondiale va amorcer un déclin. Comment est-ce possible ?

Les Nations Unies font des révisions de leurs projections tous les deux ans. Les projections sont amenées à être rectifiées en permanence. Dans les années 60, par exemple, on pensait que la fécondité en Europe serait plus forte. Ils n’étaient pas mauvais en nombre d’habitants, moins en répartition. Longtemps, on imaginait que la fécondité allait remonter. On a aujourd’hui accepté qu’elle ne remonterait pas à 2 enfants par femme. Ça contribue à réduire les projections. Mais dans les grandes lignes, on sait à peu près comment ça va se passer. Les mères de demain sont déjà nées. La seule incertitude, c’est combien d’enfants elles auront plus tard. 

Selon Québec Science, la population projetée pour 2100 est de 10,2 milliards de personnes, mais elle pourrait en réalité varier entre 6 et 14 milliards. C’est énorme. Comment une telle variation est-elle possible ?

Ça dépend de l’évolution des fécondités dans les différents pays. La baisse de la fécondité en Afrique va jouer. On a une grande incertitude, d’autant que dans des géants démographiques tels le Nigéria et la République Démocratique du Congo, les informations sont mauvaises. Il n’y a pas de systèmes d’état civil et les contextes politiques font que les enquêtes ne sont pas évidentes à mener. 

Sait-on si la population mondiale avait déjà connu un déclin par le passé ?

La dernière baisse de la population mondiale, c’était au moment de la peste, au Moyen-Âge. Tous les autres impacts, comme le covid, les épidémies de VIH, ou le Grand Bond en Avant, qui, en Chine, a fait drastiquement baissé l’espérance de vie sur une année, ne font pas diminuer la population mondiale. Le covid se concentrait surtout sur les populations âgées. Cela n’a pas eu le même impact que si ça avait surtout touché les populations plus jeunes, les enfants. Ce qu’on n’espère pas voir arriver ! Une crise sanitaire suffisamment forte pour faire baisser la population mondiale, ce n’est pas arriver depuis la peste.