La députée Christine Arrighi veut faire rentrer la météorologie de l’espace à l’Assemblée

La députée Christine Arrighi veut faire rentrer la météorologie de l’espace à l’Assemblée.
Mme Christine Arrighi, députée EELV de la 9e circonscription de Haute-Garonne, dans l'hémicycle. © Assemblée nationale – 2023

De son propre aveu, il y a encore peu de temps, la députée EELV Christine Arrighi n’y connaissait rien en météorologie de l’espace. Ce qu’elle a découvert : le Soleil a une météo, et il est crucial de la comprendre pour anticiper ses effets sur l’activité humaine. Ses derniers travaux parlementaires visent à défendre une intensification de la recherche dans ce domaine.

À quoi sert la « météorologie de l’espace », concrètement ?

Christine Arrighi : Un peu comme la météorologie de la Terre, la météorologie de l’espace vise à prévoir tous les effets de l’activité solaire, particulièrement les éruptions solaires, sur l’activité humaine. Depuis l’évènement de Carrington, une éruption solaire qui avait frappé les États-Unis en 1859 et avait bouleversé toutes les communications télégraphiques pendant plusieurs heures, on essaie de comprendre ces phénomènes. Malheureusement, les progrès technologiques de l’époque ne nous permettaient pas d’analyser cette éruption. Aujourd’hui plus que jamais, avec les avancées dans les domaines de la télécommunication, de l’aéronautique et des satellites, la météorologie de l’espace – qu’il faudrait d’ailleurs nommer météorologie solaire – est cruciale.

L’activité solaire est si imprévisible que ça ? 

Elle correspond aux fluctuations du cycle solaire, perceptibles notamment via les éruptions. Les scientifiques ont pu calculer qu’un cycle dure en moyenne onze ans et que nous sommes à l’acmé d’un cycle aujourd’hui qui doit se terminer en 2025. Il y a eu une importante éruption en décembre dernier mais les effets de celle-ci sont difficilement mesurables. Les scientifiques doivent encore comprendre comment et pourquoi ce cycle se présente de la sorte, à quoi correspondent les différents et très nombreux types d’éruptions solaires. Certaines sont dirigées vers la Terre, d’autres vers l’espace et on ne sait pas encore précisément quelles en sont les conséquences. 

« Un arrêt total des télécommunications à cause d’une éruption solaire »

On sait si peu de choses sur le cycle solaire ? 

On commence tout juste à comprendre à quoi cela correspond. Cela rythme les interactions entre le Soleil et la Terre mais on peine encore à déterminer la nature de ces interactions. L’objectif aujourd’hui est de faire avancer la recherche pour que l’on puisse prévoir la météo du Soleil comme on prévoit celle de la Terre. Cette prévisibilité est fondamentale car elle nous permet d’anticiper des mesures de sécurité pour se protéger et adapter nos infrastructures. 

Cette anticipation doit aussi nous servir à comprendre toutes les erreurs que nous avons commises et continuons de commettre dans nos politiques d’urbanisation. Il faut mettre au point des outils numériques, des logiciels et des modèles comme ceux que l’on a pour prévoir la pluie et le beau temps et pas seulement la constater. 

Quels sont les impacts de l’activité solaire sur l’activité humaine ? 

L’état de la recherche en météorologie solaire est très important pour le secteur aéronautique et spatial, car les éruptions solaires émettent de puissantes ondes électromagnétiques qui impactent la flotte spatiale et satellitaire et qui bouleversent le champ magnétique terrestre. Les aurores boréales sont les seules conséquences visibles à l’œil nu de ces éruptions. Pour l’instant, les chercheurs n’ont pas pu mesurer de perturbations majeures à l’image de celles de l’effet Carrington mais ils affirment que cela peut arriver et qu’il faut se préparer. À côté de la crise du Covid-19, un arrêt total des télécommunications à cause d’une éruption solaire serait immensément plus problématique, rien que dans le secteur bancaire. 

« Un secteur de recherche très vivace »

Comme pour les crues centenaires qui tardent parfois à arriver, l’attente et la pression foncière font que nous construisons sur des zones inondables malgré les risques. C’est la même chose avec les éruptions solaires. Puisqu’il ne se passe rien pour l’instant, nous ne sommes pas sensibilisés à ces enjeux et il est plus difficile de convaincre de la nécessité de financer de la recherche. Heureusement, comme ces questions concernent de nombreux secteurs économiques, la recherche commence à prendre forme et elle semble assez dynamique.

Où en est la recherche sur ces sujets ? 

De nombreuses personnes y travaillent en France. L’observatoire astronomique de Meudon est en tête de gondole mais il y a aussi le Centre national d’études spatiales (Cnes), l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera), le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (Irap), sans oublier Météo-France et le CNRS. C’est un secteur de recherche très vivace et plutôt hétérogène, ce qui est porteur d’espoir. 

© Lukasz Pawel Szczepanski
Éruption solaire © Lukasz Pawel Szczepanski

Sommes-nous en compétition avec les États-Unis ?

Les scientifiques que j’ai pu interroger dans mes travaux parlementaires m’ont tous assuré que ce domaine de recherche était encore très collaboratif, notamment dans le partage d’informations et de données à l’international. Ce n’est semble-t-il pas encore devenu un objet de recherche compétitive, si ce n’est par l’émulation intellectuelle. 

C’est un sujet d’étude peu commun pour une députée.

En effet. La proposition m’a été faite par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dont je suis membre. Pour tout vous dire, je ne connaissais rien à ce sujet mais comme je suis élue d’une circonscription – la Haute-Garonne – dont la richesse scientifique est très importante, notamment autour du pôle aéronautique de Toulouse, je me suis renseignée auprès du Cnes. 

Tout un monde s’est ouvert à moi et j’ai tout de suite eu envie d’aller plus loin dans l’amélioration de mes connaissances. C’est un sujet très complexe qui requiert des compétences pointues en physique mais c’est important de pouvoir en saisir les principaux enjeux. Je n’ai pas fait de sciences depuis bien longtemps mais j’ai quand même pu échanger facilement avec tous les chercheurs qui se sont avec beaucoup de pédagogie et de patience prêtés  à l’exercice. 

« S’assurer que le progrès ne vienne pas percuter notre capacité à poursuivre la vie sur Terre »

Quand j’avais quinze ans, j’étais une lectrice compulsive de science-fiction et de dystopies. Lorsque l’on s’intéresse à la météorologie solaire, même avec un regard de néophyte comme le mien, on se rend compte que ceux qui cherchent à s’accaparer l’énergie du Soleil sont complètement fous. L’univers est un équilibre aussi merveilleux que fragile dont les lois nous échappent encore largement et vouloir y toucher et y porter atteinte, est irresponsable. Nous en avons la preuve avec le dérèglement climatique. Nous avons fait de ces dystopies des réalités. 

À quoi sert cet office ?

L’OPECST est une structure au sein de l’Assemblée nationale dont le but est d’éclairer la décision publique en produisant des rapports et des notes – comme la mienne – sur des thèmes scientifiques de toutes sortes. Nous vivons aujourd’hui dans une société où la technologie a permis d’importants progrès. C’est aussi le rôle de la communauté scientifique de nous éclairer sur les conséquences des choix que nous faisons dans le contexte de la crise écologique. Il faut s’assurer que le progrès ne vienne pas percuter notre capacité à poursuivre la vie sur Terre. L’effondrement du vivant que l’on constate déjà aujourd’hui est éminemment lié à nos modes de vie et à un développement exponentiel qui pioche sans retenue dans les ressources de la Terre. L’OPECST est un outil précieux qui n’est ni assez connu du grand public, ni assez reconnu au sein du Parlement. Quand j’entends les propos tenus par certains députés que je côtoie à l’Assemblée nationale, je me dis qu’ils mériteraient d’y faire un stage. Peut-être cesserions nous alors d’entendre quelques propos affligeants sur la crise climatique. 

« Nous ne sommes que poussières d’étoiles, disait Hubert Reeves ».

La classe politique souffre-t-elle d’un déficit de connaissances scientifiques ? 

Je n’irai pas jusque-là, mais en effet, la science est un sujet politique, comme tout ce qui peut nous permettre de mieux comprendre notre univers et de mieux percevoir notre place à la fois si singulière et si fugace. Le devoir qui nous incombe est de ne pas laisser de trace de notre passage, ou la plus ténue possible. Nous vivons dans un paradis de physique et de chimie qu’il faut comprendre pour davantage le respecter. C’est cette préoccupation, que le groupe écologiste partage, qui m’a poussée à travailler au sein de l’OPECST. Nous devons absolument prendre conscience de la place que nous occupons dans l’écosystème et de la discrétion avec laquelle nous devrions agir, alors même que nous nous comportons actuellement comme des éléphants dans un magasin de porcelaine. Nous ne sommes que « poussières d’étoiles », disait Hubert Reeves.

Propos recueillis par Florian Mattern