La Chine du futur est en construction. Et elle ne devrait pas plaire à l’Occident. 

Ouvriers chinois déplaçant un panneau solaire dans une usine à Jiujiang, en Chine, le 5 janvier 2021. - © humphery
Ouvriers chinois déplaçant un panneau solaire dans une usine à Jiujiang, en Chine, le 5 janvier 2021. - © humphery

En difficulté après la pandémie, l’économie de la Chine connaît un léger rebond en 2024. Premier symptôme d’une réorientation stratégique qui pourrait faire de l’ombre aux États-Unis et à l’Europe.

L’économie de la Chine a subi de plein fouet les effets de la politique Zéro Covid mise en place par le gouvernement. Depuis 1978 et l’ouverture du pays à l’économie mondialisée, la croissance moyenne du PIB était de 9%, pour chuter à 2,2 % en 2022. En cause, une économie essentiellement tournée vers l’exportation de produits bon marché et l’investissement immobilier, mis à mal par l’arrêt des échanges internationaux. En 2023, la crise était à son paroxysme : chômage des jeunes à 21% en juin, baisse de 34% des ventes immobilières en août, exportations en baisse de 14,5% et spirale déflationniste en juillet.

La pandémie et ses conséquences sur la mondialisation ont-elles sonné le glas du modèle économique chinois, hissé à la seconde place derrière les États-Unis en moins de cinquante ans ? D’autant plus que Pékin semble avoir pris conscience d’un autre élément important qui l’oblige à revoir sa stratégie : la démographie. Selon les dernières projections de l’ONU, l’empire du Milieu devrait stagner à 1,3 milliard d’habitants en 2050, avant que la population ne décroisse pour atteindre 771 millions en 2100. Une trajectoire qui ferait perdre approximativement 220 millions d’actifs d’ici 2050 et causerait donc un inquiétant déficit de main d’œuvre. 

370,8 milliards pour développer les technologies

Pour remédier à cette situation défavorable, Xi Jinping a réfléchi à une nouvelle stratégie. Qui pourrait bien être contre-productive. Confirmé lors des réunions des Deux Sessions en mars 2024, ce nouveau plan consisterait à bifurquer l’industrie manufacturière vers une production haut de gamme. Priorité est désormais donnée aux innovations technologiques, au développement des industries de pointe. Un budget de 370,8 milliards de yuans (plus de 50 milliards de dollars) va être alloué à la seule recherche dans le domaine des technologies – panneaux solaires, voitures électriques, semi-conducteurs ou encore l’intelligence artificielle. Objectif : construire la Chine du futur. 

Un robot chinois lors d'une exposition à Chongqing le 6 septembre 2023. - © helloabc
Un robot chinois lors d’une exposition à Chongqing le 6 septembre 2023. – © helloabc

En misant sur ces secteurs industriels et la recherche scientifique, le leader chinois compte aussi s’attaquer au problème de la consommation intérieure. Fort de son statut d’exportateur pendant des décennies, l’économie de la Chine pouvait se permettre un taux de consommation plus faible que la moyenne. En 2023, ce dernier n’était que de 38%, soit 18 points de moins que le reste du globe. En plus de vouloir attirer des investisseurs privés pour dynamiser ces secteurs industriels, les autorités chinoises comptent mettre en place un système de prêts orientés à destination des consommateurs. Modernisation des voitures, des appareils électroniques et électroménagers, les Chinois doivent être incités à la dépense, mais pas n’importe laquelle. 

Une guerre commerciale d’une ampleur inédite

La perspective de cette nouvelle Chine, dotée d’une puissance industrielle et technologique de pointe, ne plaît pas partout. Car si la stimulation de la consommation intérieure est bien un objectif de Pékin, celle-ci ne doit pas entraver les exportations chinoises, simplement réorientées sur de nouveaux secteurs. Un virage économique qui risque de créer des surcapacités et de saturer les marchés mondiaux jusqu’à ce que les concurrents étrangers s’inclinent face à la puissance commerciale chinoise. Ou lui résistent.

Face à ce changement de paradigme, l’Union Européenne (UE) est en première ligne. En cinq ans, les importations de voitures électriques chinoises sont passées de zéro à douze milliards d’euros, les importations de chimie organique ont bondi de 34% et celles des matières plastiques ont doublé. En à peine dix ans, le déficit commercial de l’UE vis-à-vis de la Chine a triplé, sans que les appels de certains dirigeants européens pour une souveraineté et une politique industrielle continentale n’aient encore pris forme. 

Sous la présidence de Donald Trump, les États-Unis ont quant à eux choisi de réagir avec force à cette nouvelle donne. En augmentant les droits de douane sur de nombreuses matières premières (acier, aluminium) ou des produits comme les panneaux solaires et les lave-linges – jusqu’à 25% – Washington espère endiguer les exportations chinoises, anciennes et nouvelles. À son tour, Joe Biden a fait passer l’Inflation Reduction Act en 2022 pour subventionner les industries nationales et contenir l’inflation galopante. Reste à savoir si les nouvelles orientations de Pékin ne créent pas les conditions d’une guerre commerciale d’une ampleur inédite. En attendant, la croissance chinoise est remontée à 5,3% au premier trimestre 2024, au-delà des prédictions du FMI.