La start-up controversée BrainBridge, basée à Berlin, fait de nouveau parler d’elle via une vidéo de simulation de greffe de tête humaine. Une chimère qui hante la communauté scientifique depuis plus de 50 ans.
Cela ressemble à de la science-fiction… parce que ça l’est. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, la start-up BrainBridge a mis en ligne une animation qui a fait frémir autant les scientifiques que les internautes : une greffe de tête humaine sur un corps décapité. On y voit deux corps humains allongés côte à côte, leurs têtes interchangées par des bras de robots, transplantées en quelques secondes sur le corps de l’autre. Sur son site Internet, la société explique qu’elle sera capable d’ici une dizaine d’années de pratiquer une transplantation du visage et du cuir chevelu grâce à l’intelligence artificielle et à l’utilisation d’un adhésif chimique, le polyéthylène glycol, pour reconnecter les neurones : « Les tissus de donneurs plus jeunes réduisent le risque de rejet et améliorent l’apparence, avec une suture méticuleuse et des soins post-opératoires pour favoriser la cicatrisation ».
Usine à bébé
Cette start-up n’en est pas à son coup d’essai en termes d’annonce surréaliste. En 2022, elle annonçait travailler sur un autre projet appelé EctoLife, une usine à bébé conçus dans des utérus artificiels. Derrière BrainBridge se cache le biologiste moléculaire Hashem Al-Ghaili, un trentenaire d’origine yéménite et installé à Berlin qui est surtout connu comme influenceur, suivi par 34 millions de personnes sur Facebook et 726 000 sur Instagram. Cette notoriété, entamée en 2009 via des posts sur les dernières avancées technologiques, lui vaut aujourd’hui d’être devenu producteur et réalisateur d’un premier court-métrage, Simulation, récompensé par de nombreux prix cinématographiques en 2019.
Car c’est bien de science-fiction dont il est question. Hasham Al-Ghaili ne s’en cache pas. Contacté par APNews en décembre 2022 à propos de son projet d’usine à bébé, le jeune homme avait reconnu « qu’aucun travail n’était en cours pour créer le prototype pour le moment. La vidéo vise à montrer dans quelle mesure la science et les technologies de reproduction ont progressé et à lancer le débat autour de ces technologies. »
Moelle épinière et colonne vertébrale
Ce n’est pas la première fois qu’une annonce de greffe de tête secoue la communauté scientifique. En 1970, un neurochirurgien américain, Robert White avait tenté l’expérience sur un singe qui n’avait survécu que 36 heures. Ce dernier était resté paralysé faute d’une moelle épinière reconnectée. En 2017, le neurochirurgien italien et non moins controversé Sergio Canavero organisait une conférence de presse à Vienne, en grande pompe, pour annoncer qu’une première greffe de tête humaine venait d’être réalisée. En réalité, l’opération, effectuée pendant 18 heures dans un hôpital chinois, n’avait permis que de reconnecter colonnes vertébrales, nerfs et vaisseaux sanguins sur deux individus décédés. Cette première tentative devait d’ailleurs faire l’objet d’une étude publiée dans une revue scientifique, mais rien n’a été rendu publique jusqu’à présent.
Car outre les questions de sa faisabilité, l’opération poserait d’innombrables problèmes éthiques. En 2017, lors de la tentative de Sergio Canavero, la professeure en neurochirurgie Jocelyne Bloch avait indiqué au magazine Science et Avenir que « si d’un point de vue technique chirurgicale c’est un défi – car il faut garder le cerveau vascularisé pendant toute l’opération – je pense qu’il pourrait être relevé, poursuit la neurochirurgienne. En revanche d’un point de vue éthique, cela n’a aucun sens. On crée là un tétraplégique complet – car pour l’heure la fusion de la moelle épinière n’a pas été prouvée – et qui devra être toute sa vie sous traitement immunosuppresseur pour éviter le rejet de la tête…. À quoi cela rime ? »