Et si le futur de l’humanité se trouvait dans l’amélioration des mitochondries ?

Mitochondria, un organite cellulaire à membrane fermée, qui produit de l'énergie Mitochondria , de l'énergie cellulaire et de la respiration cellulaire Maladie mitochondriale ADN mitochondrial rendu 3D
Mitochondria, un organite cellulaire à membrane fermée, qui produit de l'énergie Mitochondria , de l'énergie cellulaire et de la respiration cellulaire Maladie mitochondriale ADN mitochondrial rendu 3D

Pour la première fois, une carte permettant de déchiffrer l’énergie apportée au cerveau par les mitochondries vient d’être dévoilée par une équipe franco-américaine. Neuroscientifique à l’Institut des maladies neurodégénératives de Bordeaux, Michel Thiebaut de Schotten explique ce que ce « bouleversement » permet d’apprendre et ce qu’il pourrait engendrer.

Il y a bien longtemps, dans notre galaxie, une petite bactérie est entrée dans une grande bactérie. « La petite a fourni de l’énergie à la grande, qui, ainsi, est devenue une cellule, narre Michel Thiebaut de Schotten. La petite s’occupait de faire de l’énergie, la grande de l’utiliser. C’était il y a 1.5 ou 2 milliards d’années et cela a permis à la vie complexe d’émerger sur notre planète. Sans ça, on serait peut-être des éponges, et encore… En tous cas, ce serait incroyablement chiant ! » Ces petites bactéries s’appellent donc des mitochondries. Fin mars, l’expert expliquait au Journal du CNRS que les mitochondries fournissent de l’énergie grâce à l’oxygène, qui leur permet de « dégrader les nutriments » ingérés par le corps humain. Chaque tissu et organe est irrigué de cette énergie, mais le cerveau en consomme la plus grande part : 20%. 

Jus de cerveau

Afin de quantifier et cartographier avec précision les mitochondries des cellules cérébrales,  l’équipe de Michel Thiebaut de Schotten a observé plus de 700 échantillons de cervelle, de trois millimètres de côté chacun. « Avant, les mitochondries relevaient plutôt du domaine des chercheurs en biologie cellulaire, qui observent le cerveau de très près, généralement en utilisant une dizaine d’échantillons, glisse-t-il. Nous, on a regardé le cerveau de façon globale, ce qui nous a appris plusieurs choses. » La cartographie a déjà permis de découvrir la façon dont les mitochondries se répartissent dans nos cranes : elles sont deux fois plus nombreuses dans la matière grise que dans la matière blanche et plus fréquentes dans les régions du cerveau apparues le plus récemment sur l’arbre de l’évolution, tels le lobe frontal et le lobe pariétal, que seul l’humain possède. À l’inverse, les zones présentes chez l’humain depuis le plus longtemps, comme le système olfactif et l’hippocampe, également présentes chez le crocodile, sont celles qui consomment le moins d’énergie. « Plus les tâches auxquelles sont dédiées les régions du cerveau sont complexes, plus elles utilisent d’énergie, développe-t-il. Avant, pour manger, il suffisait de voir un truc rouge dans la jungle, de se dire que c’était un fruit et de le mettre dans la bouche. Maintenant, on voit un fruit, on réfléchit à comment le combiner à d’autres saveurs, puis on cherche un vin qui va bien avec… » Ce que les crocodiles, donc, ne font pas. « Il est probable que ces régions fatiguent plus vite. Quand on s’attèle à une tâche cognitive difficile, on va être obligé de faire une pause plus rapidement afin de recharger nos mitochondries. » 

Mutation génétique

Prochainement, Thiebaut de Schotten entend étudier les pathologies liées aux dysfonctionnements des mitochondries. Dues à une mutation génétique, ces maladies peuvent provoquer de grandes fatigues et des retards de développement chez l’enfant, que ce soit au niveau musculaire ou cérébral. « Nos mitochondries viennent de nos mères, explique-t-il. Elles peuvent avoir un problème qui se répercute chez l’enfant. L’autre cause peut venir de la multiplication des mitochondries. À chaque fois qu’elles se multiplient, il peut y avoir un petit changement, une petite inversion au niveau de leur code génétique. Un jour, ça tombe sur un code génétique très expressif, ou très important, et ça donne une maladie. C’est l’évolution. C’est le hasard. Elles pourraient aussi se transformer en super-mitochondries… » Veut-il dire que des super-mitochondries, qui permettraient aux cerveaux d’avoir plus d’énergie, transmises par la reproduction à des humains qui deviendraient plus performants, existent donc déjà ? Ça se discute. « Les mitochondries présentes dans les nouvelles régions du cerveau humain sont déjà beaucoup plus fortes, dit-il. Elles se sont spécialisées, sont devenues beaucoup plus efficaces pour créer de l’énergie. Donc on peut les voir comme des super-mitochondries. » 

Transhumanisme par infra-rouge 

Les humains actuels seraient donc déjà surhumains. Mais pourraient-ils devenir, par cette voie-là… de super-humains ? Que se passerait-il, par exemple, si on multipliait  la production d’énergie des mitochondries par dix ? « C’est de la science-fiction, répond Michel Thiebaut de Schotten. Mais la science-fiction est souvent à la base de l’imagination de la science… » Le site du CNRS explique que chaque humain dispose d’un budget d’énergie donné, que le corps utilise au mieux, en priorisant certaines fonctions. Le carte co-réalisée par MTDS se veut également un outil permettant de réaliser des bilans énergétiques personnalisés, d’établir « l’état de santé mitochondrial d’un patient et de trouver des moyens de l’améliorer. » Pour cela, il est envisagé de stimuler les mitochondries avec de la lumière infra-rouge, qui traverse le crâne et pourrait donc les toucher directement. « Ce qu’on aimerait bien essayer, c’est une gamme de fréquences de lumière infra-rouge qui va de 600 nanomètres à 1100 nanomètres, précise-t-il. C’est encore expérimental, mais on aimerait voir si une gamme de fréquence marche mieux qu’une autre, jusqu’où on peut la pousser et à quel point on peut booster les mitochondries sans avoir d’effets secondaires. Sur le long terme, cela pourrait réparer le cerveau. » Plutôt que se greffer des puces, les humains de demain pourraient donc augmenter leurs capacités en améliorant ce qui nous anime déjà. « Le corps humain n’aime pas les corps étrangers, termine Thiebaut de Schotten. Booster ce qu’on a déjà, c’est bien plus simple. Dans Star Wars, les midichloriens, qui donnent la Force, sont inspirés des mitochondries. On ne va pas faire léviter des objets de si tôt,mais jouer avec notre biologie de façon simple et non invasive, simplement avec de la lumière, je trouve ça très excitant. »