Élysée : un Conseil présidentiel de la science qui divise 

Allocution d'Emmanuel Macron le 13 avril 2020 © Spech
Allocution d'Emmanuel Macron le 13 avril 2020 © Spech

Le 7 décembre 2023, Emmanuel Macron annonçait devant un parterre de chercheurs la création d’un Conseil présidentiel de la science. Deux mois plus tard, les douze experts, dont deux prix Nobel, n’ont toujours pas été convoqués. 

Le conseil scientifique du président de la République a marqué les esprits lors de la pandémie de Covid-19. Mené par Jean-François Delfraissy, professeur spécialisé en immunologie, ce petit groupe d’experts avait assisté l’Élysée à partir du 11 mars 2020 dans la gestion de la crise sanitaire du coronavirus. Composé de médecins mais aussi du sociologue Daniel Benamouzig et de l’anthropologue Laëtitia Atlani-Duault, l’instance ad hoc avait servi d’appui au pouvoir exécutif pour envisager les diverses restrictions sanitaires à mettre en place pour lutter contre l’épidémie. Avec la fin de la crise sanitaire, le conseil a été dissous en juillet 2022, mettant un terme à la relation privilégiée qu’Emmanuel Macron avait établie avec le monde de la science.

Nostalgique, Monsieur le Président ? Le 7 décembre 2023, Emmanuel Macron reprend contact avec ces chercheurs qui l’ont accompagné pendant plus de deux ans, afin d’avoir « des éclairages sur des sujets scientifiques qui ne font pas forcément la Une de l’actualité, mais sur des enjeux d’avenir », a précisé l’Élysée en marge de l’annonce. Cependant, contrairement à son prédécesseur, ce nouveau Conseil présidentiel ne rendra pas ses conclusions publiques et servira plutôt d’interlocuteur direct entre l’exécutif et le monde de la science. 

« Apporter un peu de science à l’Élysée »

Qui sont ces interlocuteurs ? 12 chercheurs ont été sélectionnés pour épauler le Président dans l’élaboration de ses priorités scientifiques. Parmi eux, Alain Aspect, prix Nobel de physique en 2022 et Jean Tirole, prix Nobel d’économie 2014, accompagnés de l’écologue Sandra Lavorel, la physicienne Pascale Senellart, l’oncologue Fabrice André, l’ophtalmologiste José-Alain Sahel, la microbiologiste Aude Bernheim, le mathématicien Hugo Duminil-Copin, le sociologue Pierre-Paul Zalio, l’historien Lucien Bély, de la philosophe Claudine Tiercelin ainsi que l’informaticienne Claire Mathieu. Cette dernière n’a pas caché son désaccord avec certaines orientations du gouvernement et craint « d’apparaître comme une caution scientifique » mais reste optimiste pour pouvoir « apporter un peu de science à l’Élysée ».

Le CNRS s’est réjouit par l’intermédiaire de son président-directeur général Antoine Petit d’une annonce qui met à l’honneur quatre de ses membres dans cette nouvelle structure auprès du pouvoir exécutif. 

« Des conseillers qui n’auront de comptes à rendre à personne d’autre que lui »

Dans une tribune au Monde, le professeur de droit public Thibaud Mulier a vivement critiqué cette nouvelle création d’Emmanuel Macron. Pour le juriste, ce Conseil scientifique « participe à multiplier les intermédiaires dans la prise de décision en marge de notre Constitution ». Plutôt que de s’entourer de conseillers qui n’auront de comptes à rendre à personne d’autre que lui, le Président aurait pu créer une autorité administrative indépendante ou nommer un conseiller scientifique auprès du gouvernement. C’est notamment ce que préconisait le rapport Gillet, remis à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche en juin 2023, à l’origine de cette annonce. 

Le 7 décembre 2023, le Président de la République avait aussi précisé vouloir échanger avec ce nouveau groupe de conseillers au moins une fois par trimestre. Deux mois plus tard, on attend encore les résultats des scientifiques du Président.