Capter l’énergie de la houle : Seaturns va commencer ses tests à Saint-Nazaire

Grands comme des petites maisons, les flotteurs Seaturns captent l'énergie de la houle.

Le vent, le soleil, les vagues. Voici le trio de tête des énergies renouvelables que l’humanité tire actuellement des évidentes forces de la nature. Mais d’autres solutions existent. Fondée en 2017, une compagnie française, Seaturns, développe un système de flotteurs permettant de récupérer l’énergie houlomotrice, activé par le mouvement de la houle, qu’elle s’apprête à déployer.

Quand le docteur en mécanique des fluides énergétiques Gabriel Canteins contemple l’Atlantique, il voit des océans de possibilité. « Je regarde l’eau et je me dis que ce serait une bonne houle pour notre système, sourit le directeur de l’innovation de la société Seaturns. C’est comme ça que l’aventure a commencé. Notre fondateur voyait l’océan comme une source d’énergie et se demandait comment la capter. Il en a tiré un concept, qui a émergé en 2017. »

Des bouées de la taille d’une maison

Ce que Seaturns a conçu sont de grands flotteurs cylindriques de la taille de petites maisons. « Dans l’eau, ils ne bougent pas juste de gauche à droite, précise Canteins. Ils le font, mais en roulant sur eux mêmes. Ils ont un mouvement de rotation autour de leur axe. » Que trouve-t-on à l’intérieur de ces flotteurs étanches ? Tout d’abord, de l’eau. « Dont le niveau reste horizontal. Comme si vous penchez un verre d’eau. » Le cylindre contient également un pendule qui oscille sous l’effet de la houle. « Par un jeu d’augmentation et de diminution de pression, en circuit fermé, on génère, à l’intérieur du flotteur, un flux, une circulation d’air, poursuit l’expert. En fait, l’énergie que l’on capte, à l’aide d’une turbine, est celle de cet air. C’est le même principe qu’une éolienne. C’est comme si on captait l’énergie du vent. » Là où les éoliennes du parc de Saint Nazaire mesurent, par exemple, 175 mètres de haut, les flotteurs conçus par Seaturns, à moitié immergés, ne dépassent du niveau de la mer que de trois mètres. Tant mieux, car la compagnie aimerait installer « des fermes » de dizaines de cylindres à une distance allant de un à trois kilomètres des côtes. « Cela l’imite l’impact visuel qui, sinon, risquerait d’être rédhibitoire, enchaîne Canteins. L’électricité est acheminée à terre via un câble d’export qui coûte cher. Or, on veut pouvoir produire de l’électricité à un prix maîtrisé. » C’est aussi pour cela que les flotteurs demandent peu de maintenance, sont « robustes » et conçus « afin d’être opérationnels dans des états de mer divers. »

Ingénierie optimisée pour une efficacité maximale

Quand Gabriel Canteins observe l’Atlantique, le commun des mortels dirait qu’il regarde des vagues. En réalité, ce qu’il voit « est la houle qui s’est formée dans l’océan, explique-t-il. Le terme ‘vague’ définit l’agitation locale de la houle créée par le vent. Et la houle qui déferle sur la côte, qui plaît tant aux surfeurs. » On pourrait naturellement penser que plus la vague est haute, plus elle est impressionnante, plus Seaturns capte d’énergie. Mais pas du tout. Ces vagues qui présentent une pente sur laquelle glissent les surfeurs n’intéressent pas vraiment l’entreprise. « Car une vague qui déferle dissipe toute son énergie. Voilà pourquoi les flotteurs Seaturns seront installés plus loin de la côte, où les vagues ne peuvent généralement pas déferler. Si cela arrive, en cas de tempêtes, l’énergie se disperse. Il en reste quand même beaucoup derrière, donc cela n’empêche pas les flotteurs de produire. Mais ce qui nous intéresse avant tout, c’est bien la houle, l’onde qui se propage dans l’océan. » Dans l’Atlantique, de New York City à Bordeaux, le vent souffle d’ouest en est. La côte est des Etats-Unis reçoit peu de houle, car le vent n’a pas eu le temps de transmettre son énergie à la surface de l’eau. « Quand l’onde arrive sur la côte de Bordeaux, en revanche, on a une belle houle, se satisfait Canteins*. La houle est une ressource qui ne présente quasiment pas d’intermittence. Sur toute l’année, généralement, il y a toujours de la houle. S’il y a une tempête dans le Golfe du Mexique, on sait de façon certaine que, quelques jours plus tard, on aura beaucoup d’énergie sur la côte Atlantique. On peut prédire l’intensité énergétique de la houle plusieurs jours à l’avance. »

L’horizon du printemps 2026

Dans le futur, il est estimé que l’énergie houlomotrice pourrait fournir 10% des besoins mondiaux. Sur le site de Seaturns, on peut lire que près de 40 % de la population mondiale vit à moins de 100 km des côtes, ce qui permettrait de réduire « les pertes d’énergie liées au transport et les coûts d’infrastructure. » On lit également qu’une fois installées, « les infrastructures houlomotrices ne génèrent aucune émission de CO₂, contribuant ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique. » Mais quand est-ce que ces cylindres à 98% recyclables commenceront-ils à flotter dans les océans du monde ? Après sa deuxième levée de fonds, Seaturns a souligné que « Cette levée, principalement réalisée via la plateforme Keenest, a également bénéficié d’un soutien significatif des actionnaires historiques Team For The Planet et Sébastien Duez et de l’entrée au capital de Lawrence Sigaud (Directrice générale adjointe de Seaturns).» « Nous remercions chaleureusement les 1 543 investisseurs qui nous font confiance. Ce soutien est capital pour déployer notre démonstrateur à taille réelle et accélérer notre développement industriel » , a ajouté Vincent TOURNERIE, Président Fondateur de Seaturns.

« Notre flotteur de 200 KW est prêt, répond Gabriel Canteins. On commence les premiers tests dans le port de Saint-Nazaire en octobre. C’est le baptême. Pendant quelques semaines, on va tester le comportement du flotteur. Il sera ensuite déployé au printemps 2026. Il est trop tôt pour dire où. Mais ça peut faire l’objet d’un prochain article ? » Probablement !