Une IA peut désormais prédire votre mort

IA prédiction mort
Une IA peut désormais prédire votre mort Photo Willyam Bradberry

Va-t-on enfin pouvoir lire l’avenir ? Testée sur les données de 100 000 personnes dont la moitié était morte après 2016, une IA conçue par des chercheurs danois a réussi à prédire ces morts dans plus de 3 cas sur 4. Une prouesse scientifique qui pourrait être récupérée par les compagnies d’assurance. 

Voyants et médiums, voilà les derniers métiers qui risquent d’être remplacés par une intelligence artificielle. C’est en tout cas ce que laissent penser les premiers résultats de Life2vec, une IA développée par des chercheurs à l’université technique du Danemark (DTU) à Lyngby. En utilisant un système de machine learning comparable à celui de ChatGPT, les scientifiques danois ont cherché à développer un outil informatique permettant d’estimer le parcours de vie d’individus, et ce jusqu’à la mort. 

D’abord nourrie des données de plus de 6 millions de citoyens danois – âge, santé, lieu de résidence, emploi, revenus etc. – allant de 2008 à 2020, Life2vec s’est ensuite exercée sur un échantillon test de 100 000 personnes. Ce groupe de personnes, âgées de 35 à 65 ans, avait une particularité : la moitié était morte après 2016. En étudiant ces données comme un ensemble, l’IA avait notamment pour objectif de prédire la date de mort de chaque individu. Résultat des courses, Life2vec identifie 78% de ces personnes décédées. 

Prédire les problèmes de santé et les déménagements

Plus qu’une simple boule de cristal numérique, Life2vec doit servir d’outil d’analyse sociodémographique. En effet, en plus de digérer cette quantité astronomique de données, l’IA danoise est pensée pour modéliser chaque personne comme une séquence d’évènements circonstanciés dans le temps et l’espace formant un ensemble cohérent. Life2vec ne prédit donc pas seulement la mort mais anticipe aussi les problèmes de santé ou les déménagements à l’étranger. Pour Sune Lehmann, directeur de l’étude à la DTU, cette méthodologie s’appuie sur l’hypothèse que « de la même façon que les mots se suivent dans les phrases, les évènements se suivent dans les vies humaines ».

En plus de ces performances de médium, l’IA danoise dresse un bilan sociodémographique extrêmement classique. Les femmes, les individus aux revenus élevés et ceux travaillant à des postes de direction vivent plus longtemps que les hommes, les travailleurs qualifiés et les personnes diagnostiquées d’une pathologie mentale. Rien de nouveau sous le soleil de Copenhague. 

Des résultats détournés 

Chercheuse en sciences computationnelles à l’université Northeastern à Boston et co-autrice de l’étude à la DTU, Tina Eliassi-Riad précise néanmoins que ces résultats sont à prendre avec des pincettes car les données ne concernent que la société danoise et les conclusions ne peuvent pas être généralisées et étendues à d’autres sociétés. Malgré ces précautions, Florian Bonnet, chercheur à l’Institut national d’études démographiques, estime que cet algorithme « représente une rupture avec l’analyse statistique classique de la démographie » en intégrant simultanément une large quantité de variables ainsi que la question de la temporalité. 

Bien que les données utilisées par l’équipe de chercheurs danois aient été gardées strictement confidentielles pour préserver l’identité de ces 100 000 personnes, un site frauduleux reprenant le nom de Life2vec a vu le jour peu de temps après la publication de l’étude, surfant sur le succès de l’IA pour collecter illégalement des données sur tous les curieux souhaitant connaître la date de leur mort. Plus inquiétant cependant reste l’intérêt déjà affiché des compagnies d’assurance pour un tel algorithme qui pourrait les aider à optimiser leur système de couverture en avançant des arguments « scientifiques ». Qui a dit que prédire l’avenir n’était pas profitable ?