GravitHy a-t-elle trouvé le moyen de rendre la production d’acier durable ?

Acier.
De l'acier durable ? Crédit : GravitHy

Sur son site, la start-up GravitHy promet d’être à l’aube d’une « révolution industrielle verte. » Comment ? En décarbonant une industrie sidérurgique actuellement responsable de 8% à 10% des émissions globales de CO₂. En mars dernier, la compagnie annonçait la levée de 60 millions d’euros destinés au développement d’une usine à Fos-sur-Mer. Depuis, l’aube s’est-elle levée ?

Quand on lui demande, ce qui arrive souvent, d’expliquer comment on fabrique de l’acier, José Nodlin aime raconter que « c’est comme faire du pain. L’acier est un alliage. On rajoute du chrome et du nickel comme on ajoute du poivre et du sel à de la farine. » Filant sa métaphore, le Président de GravitHy explique que la base de la confection de l’acier, sa farine, est ce qu’on appelle le fer métallique. « Pour en obtenir il faut désoxyder le fer que l’on trouve dans la nature sous forme de minerai de fer, affine-t-il. Le processus de désoxydation demande d’atteindre une température très haute, qui va jusqu’à 2000°, pour laquelle on a besoin de beaucoup d’énergie. Traditionnellement, on utilise du charbon, ce qui provoque des émissions de Co2. »

90% d’émissions en moins par tonne

Né à Florianópolis, tout au sud du Brésil, José Nodlin travaille dans le monde de l’acier depuis un quart de siècle. Il raconte avoir toujours cherché à porter des « projets innovants », notamment au niveau de l’impact environnemental d’une industrie « responsable de 8 à 10% des émissions de Co2 mondiales » mais pour laquelle la demande demeure croissante. « Parce que nous avons besoin d’acier, estime-t-il. Pour les transports, l’énergie, les infrastructures, mais aussi pour les voitures électriques, pour la transition énergétique. » Voilà pourquoi GravitHy va exploiter un processus de désoxydation – ou « réduction, dans le jargon technique » – effectué au sein d’un réacteur qui, au lieu d’utiliser du charbon, emploie de l’hydrogène. « Avec notre procédé innovant et un modèle économique puissant, on va éviter 90% des émissions habituelles par tonne d’acier », assure Nodlin.

Depuis 1998, Max Åhman étudie deux des notions clefs et antagonistes de l’époque : l’énergie et le climat. Professeur à l’université de Lund – tout au sud, cette fois-ci, de la Suède – il valide les chiffres fournis par le PDG. « Avec plus d’intervention sur toute la chaîne de valeur, on peut même réduire 95% voire 99% des émissions, assure-t-il. En réduisant en amont les émissions de calcium utilisées dans la granulation, notamment. » Encourageantes, ces données déclenchent une question : l’acier peut-il devenir un matériau durable ? « Cela dépend de ce que vous voulez dire par là, répond l’expert. On peut produire de l’acier qui émet presque aucun carbone. Mais il nécessite tout de même de l’eau, d’autres ingrédients qui ont une empreinte environnementale. Avec la méthode que comptent développer GravitHy et d’autres sociétés, produire de l’acier ne polluera presque pas l’air. Il y aura quand même quelques effets environnementaux, mais il y en a aussi quand on produit de l’électricité, qu’on fait du nucléaire ou de l’énergie éolienne. »

Quand s’éteindront les hauts fourneaux

En 2025, 70% de l’acier mondial est encore produit dans des hauts fourneaux alimentés par des énergies fossiles. « Puis une trentaine de pourcents sont faits avec de la ferrailles recyclée, ce qui est déjà moins polluant, explique Åhman. La part d’acier fait dans les hauts fourneaux va décroitre lentement. En 2050, on projette que la production à base de ferrailles devrait être à 50%. » Mais quand est-ce que la production de fer utilisant de l’hydrogène pourrait-elle devenir la norme ? Le professeur évite de trop s’avancer. Il raconte que, dans les dix prochaines années, la cinquantaine de hauts fourneaux restant en Europe subiront une pression de plus en plus accrue, seront contraints à payer des amendes de plus en plus élevées, ce qui mènera à « une pression compétitive, qui forcera à trouver des alternatives. » L’industrie sera donc économiquement contrainte de se tourner vers les ferrailles et la solution proposée par GravitHy.

Voilà pourquoi l’idée séduit déjà. Les 60 millions d’euros levés au mois de mars par la start-up ont notamment été mobilisés par le numéro un mondial du minerai de fer Rio Tinto et le leader du traitement de l’eau Ecolab. « Cette somme va nous permettre d’aller vers la diffusion finale d’investissement que l’on prévoit pour fin 2026, reprend Nodlin. On commencera ensuite la construction pour être opérationnels fin 2029. » Pour le PDG, son entreprise pourrait permettre « de donner son autonomie industrielle à la France » et donc à l’Europe. Il conclue : « on aura la quantité d’acier dont on a besoin, mais de façon vertueuse. »