Les traducteurs littéraires à l’attaque des robots

Les traducteurs littéraires à l'attaque des robots
Les traducteurs littéraires à l'attaque des robots.

Ils s’appellent DeepL, Microsoft Translator ou Reverso, et sont entrain de précariser au fur et à mesure que leurs performances s’accroissent, tout un corps de métier réputé jusqu’ici intouchable tant il touchait à la sensibilité et au savoir humain, les traducteurs littéraires.

Ces derniers se trouveraient rétrogradés à de simples missions de correction après emploi de ces traducteurs automatiques par les éditeurs. Et ce, dans des conditions de plus en plus désavantageuses, voire illégales. Selon une étude de l’ATLF (l’Association des traducteurs littéraires de France), 68 % des traducteurs seraient rémunérés en dessous des tarifs moyens. Certains éditeurs leur factureraient des prestations sous le régime de l’auto-entrepreneur, les empêchant de percevoir leurs droits d’auteur, soit entre 1 et 2 % des ventes du livre.

Le Graal de l’IA

Dès 2018, l’Atlas (Association pour la promotion de la traduction littéraire) lançait un observatoire de la traduction automatique, mis à jour chaque année afin de suivre l’évolution des performances en matière d’intelligence artificielle des traducteurs automatisés en ligne. Un corpus de 40 textes (Shakespeare, Dostoïevski ou encore Kafka) avait été sélectionné, présentant « une diversité de difficultés, tant par les formes et les visées, que par les effets et les contextes. D’une littérature à l’autre, les textes passent de la prose classique à la prose contemporaine, de la poésie au théâtre versifié ou encore à la non-fiction » expliquait l’association sur son site.

Résultat, si les traducteurs automatiques s’améliorent à une vitesse fulgurante grâce au machine learning, permettant aux IA de cumuler des données via des modèles mathématiques d’apprentissage, il leur manquerait encore cette part d’humanité qui fait le sel de la littérature. « La compréhension du monde, la conscience, sont des choses très, très, difficiles à modéliser. C’est le Graal de l’IA. On ne sait pas vraiment par quel bout l’attraper. Ni même comment réfléchir dessus. En réalité, on ne connaît même pas les ingrédients pour imaginer la recette », explique Antoine Bordes, directeur du centre européen de recherche en IA (FAIR) dans un rapport publié en 2021.

5486 signatures

Après plusieurs tribunes dont celle de l’AVTE (Audiovisual Translators Europe), du STAA CNT SO (Syndicat des travailleur.euses et artistes.auteur.ices), de l’Atlas et l’ATLF, une dernière pétition a été mise en ligne en septembre 2023, par le collectif « Pour une traduction humaine » et soutenue par des centaines d’auteurs dont Annie Ernaux, J.M.G Le Clézio ou Tahar Ben Jelloun. Elle comptait ce 8 février 5486 signatures, avec pour mot d’ordre : « Nous ne voulons pas que l’IA devienne une alternative envisageable à la création humaine ».

Ces signataires ont-ils été entendus ? Il semblerait que oui. Alors qu’une première proposition de loi faisait son apparition à l’Assemblée Nationale le 12 septembre dernier, l’Union Européenne a pris les devants ce vendredi 2 février.Un compromis a été signé entre États-membres pour réguler l’usage de l’intelligence artificielle, comme le préconise depuis 2021 l’Artificial Intelligence Act.