Celui qui se faisait appeler Satoshi Nakamoto n’a plus donné signe de vie sur les réseaux depuis bientôt 13 ans. Plusieurs prétendants se disputent son identité, à commencer par Craig Wright, un informaticien australien. Depuis ce lundi 5 février, il tente de le prouver devant un tribunal.
C’était le 26 avril 2011. Le mystérieux créateur du Bitcoin, cette cryptomonnaie cotée aujourd’hui à 39 594 euros, disparaissait, après un dernier mail envoyé à Gavin Andresen, l’un des développeurs qu’il avait choisi comme collaborateur. Satoshi laissait alors à l’abandon un portefeuille estimé à plusieurs milliards de dollars sans jamais y toucher jusqu’à présent, et sans que l’on ne connaisse sa véritable identité.
Depuis octobre 2008, il avait travaillé à la création du Bitcoin, une cryptomonnaie, ou monnaie virtuelle, via un mécanisme transparent de partage d’informations numériques appelé blockchain. Son système, en concurrence avec les monnaies étatiques et les banques traditionnelles, a été développé en open source, dans l’anonymat total, afin d’être accessible à tous. C’était avant que le Bitcoin ne fasse parler de lui comme un moyen de contourner le système bancaire traditionnel en proie aux déséquilibres économiques mondiaux.
Depuis, quelques heureux investisseurs ont eu le nez fin en achetant de la cryptomonnaie au bon moment avant de la revendre au sommet de sa cotation, en novembre 2021, à 65 500 euros. D’autres ont été moins chanceux. Selon une étude de la Banque des règlements internationaux (BRI), ils sont près de 75 % à avoir perdu de l’argent dans la cryptomonnaie. Mais si sa valeur semble se stabiliser, petit à petit, elle est le fruit d’une spéculation d’une toute autre nature : celle de l’identité de son créateur, qui n’a laissé de lui qu’un pseudonyme.
Craig Wright, le plus assidu des prétendants
Depuis 2011, bon nombre d’informaticiens et de hackers en tout genre ont prétendu être le véritable Satoshi Nakamoto, ou été soupçonnés par leurs pairs. Parmi eux Hal Finney, Paul Le Roux, Adam Back, ou encore Craig Wright. Ce dernier est peut-être le plus assidu de tous, affirmant depuis 2016 être le vrai Satoshi, cumulant les procès intentés contre tous ceux qui tentaient de le discréditer. Après une longue série de procès contre des développeurs de Bitcoin, un trust regroupant plusieurs d’entre eux s’est formé, nommé la Crypto Open Patent Alliance (COPA) et a décidé de passer à l’offensive devant la Haute Cour de justice du Royaume-Uni.
La COPA reproche à Wright un comportement néfaste qui aurait des répercussions sur le cours instable du Bitcoin et souhaite, de ce fait, qu’un tribunal statue une bonne fois pour toute qu’il n’est pas l’homme derrière le pseudonyme Satoshi Nakamoto, l’auteur du livre blanc à l’origine des bases théoriques du Bitcoin. Pour de nombreux observateurs, la disparition de son inventeur, qui n’a plus donné signe de vie, explique en partie le succès du Bitcoin, considéré comme sûr et autonome par ses défenseurs, libre de l’influence d’un fondateur.
Accusations de falsification
Craig Wright doit sa crédibilité au fait d’avoir convaincu Gavin Andresen dès 2016. Ce dernier, qui échangeait énormément avec Satoshi Nakamoto dès 2008, ne l’avait cependant jamais rencontré. Jon Matonis, ancien directeur de la Bitcoin Foundation ainsi que le milliardaire Calvin Ayre l’ont aussi adoubé. Gavin Andresen s’est depuis rétracté, et l’opinion publique s’est largement montrée défavorable à Craig Wright, devenu très procédurier. Mais des accusations de falsification de documents pèsent contre lui. C’est notamment sur ce point que la COPA souhaite appuyer ses attaques devant le tribunal.
En attendant, le mystère reste entier. Le 5 janvier dernier, un mystérieux donateur a envoyé 26,9 Bitcoin, soit 1,2 million de dollars, sur le portefeuille de Satoshi Nakamoto, inactif depuis sa disparition sur le réseau, portant sa valeur totale à 29,8 milliards de dollars. Et qu’arriverait-il si cette somme venait à être encaissée par Satoshi ? La mort du Bitcoin, selon certains observateurs.